William Boyle : Gravesend
04/10/2021
William Boyle, né en 1978 à Brooklyn (New York), est un romancier et disquaire américain. Il vit aujourd'hui à Oxford, dans le Mississippi. Gravesend, son premier roman, date de 2013.
Il y avait un mystère pour moi autour de cet écrivain. J’avais lu et détesté Le Témoin solitaire, pourtant William Boyle était encensé par la critique, portant aux nues ce Gravesend. Je devais en avoir le cœur net.
Pour Conway c’était simple : on venait de relâcher après seize années de prison Ray Boy Calabrese, cette petite frappe qui avait assassiné Duncan son frère homosexuel, il allait le tuer et lui faire payer pour enfin faire son deuil. Vouloir est une chose, faire en est une autre…
Le roman se déroule à Gravesend, quartier italien au sud de Brooklyn, une enclave un peu hors du temps où tout semble figé comme hier et où va se jouer le destin quasiment écrit d’avance, d’une poignée d’acteurs aux vies fracassées.
L’assassinat de Duncan a fait exploser la famille de Conway, le père est comme mort intérieurement et sa mère est partie, à près de trente ans il vit toujours dans la maison familiale, vivotant d’un petit boulot dans une parapharmacie, tout en ruminant sa vengeance. Il n’a qu’un ami, McKenna, marié mais effondré par son couple qui tangue. Le retour de Ray Boy déclenche des attitudes divergentes selon les clans, Conway s’active pour mettre à exécution son plan, tandis que dans l’entourage du libéré on se félicite de revoir celui qu’on considérait comme une injuste victime de la justice. Eugene, son jeune neveu, éclopé et bon à rien, voit en cet homme une figure de héros, s’imagine un avenir plus pétaradant qui le sortira de cette vie qu’il déteste, un futur de nouveau caïd peut-être.
Mais le Ray Boy d’autrefois, cette petite frappe chef de bande, tabassant les faibles de son école et draguant les filles n’est plus le même homme aujourd’hui. La prison lui a fait prendre conscience de ses crimes, il est désormais en quête de rédemption. Ce qui désarçonne complètement Conway et Eugene, pour des raisons diamétralement opposées.
Une figure féminine s’imposait et c’est un autre retour à Gravesend, Alessandra, partie tenter sa chance comme actrice à Los Angeles, en vain. Elle aussi a fréquenté la même école que Conway et Ray Boy. Conway qui l’admirait déjà alors cherchera maladroitement à s’en rapprocher. Toutes les jolies filles ont une vague copine qui l’est moins et les met en valeur, Stephanie est celle-là. Une autre malheureuse, célibataire vivant une morne vie avec sa mère à moitié folle.
Ce roman est absolument magnifique tant tout y est parfait. La description du quartier et des gens qui y vivent est très précise et détaillée, on visite cette enclave avec un guide de choix. Quant aux personnages, cette petite poignée d’êtres ravagés par l’ennui, l’alcool et l’avenir borné, réduits à des actions lamentables (picoler) ou franchement répréhensibles, le lecteur ne peut les détester, leur pathétisme nous émeut et certaines scènes sont d’une force émotionnelle extrêmement forte.
Bien évidemment, tout cela finira mal pour beaucoup d’entre eux mais le roman s’achève sur une légère note d’espoir, peut-être qu’Alessandra animée de nouvelles résolutions – basiques certes et loin de ses rêves, mais bonnes – s’en tirera ?
Une lecture indispensable, proche du chef d’œuvre. Mais pour moi le mystère William Boyle subsiste, est-ce réellement un grand écrivain ou bien ce livre, son premier, n’était-il qu’un one shot ? J’y reviendrai, c’est désormais obligatoire.
« Conway était une mauviette. Il avait toujours été une mauviette. Il tremblait. Il imaginait Duncan mort sur la rocade, la tête écrabouillée, le corps déchiqueté, des traces de pneu sur la peau. Et le responsable était là, devant lui. Ray Boy ne demandait pas grâce, il demandait justice, affirmant que Conway avait le devoir de l’exécuter. Or Conway n’y arrivait pas. Il n’avait pas le courage d’appuyer sur la détente. Il n’avait pas la force nécessaire dans la main, son doigt était tout mou, comme si les os avaient fondu à l’intérieur. Un lâche, voilà ce qu’il était. Il s’écarta de Ray Boy et glissa le pistolet sous la ceinture de son pantalon. »
William Boyle Gravesend Rivages/Noir - 350 pages -
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