Hans Fallada : Le Cauchemar
08/11/2021
Hans Fallada, pseudonyme de l'écrivain allemand Rudolf Ditzen (1893-1947), naît dans une famille aisée mais a des relations conflictuelles avec elle. En 1911 suite à une sombre affaire de suicide d’un de ses amis, maquillé en duel dans lequel il est gravement blessé, Fallada est inculpé de meurtre et interné dans une clinique psychiatrique à Iéna pour une courte durée. Il abandonne ses études secondaires sans diplôme et fait un apprentissage agricole. De 1913 à 1928, il occupe des emplois divers dans ce secteur, sans être requis plus de quelques jours pendant la Première Guerre mondiale. De 1917 à 1919, il suit plusieurs cures de désintoxication (alcool et morphine) et par la suite il est à plusieurs reprises mis en prison. En 1929, il se marie et aura trois enfants, époque à partir de laquelle il travaille dans les secteurs de l'édition et du journalisme, jusqu'à ce qu'il puisse vivre de ses droits d'auteur. Hospitalisé en raison de ses problèmes d'addiction, Hans Fallada meurt d'un arrêt cardiaque le 5 février 1947.
Le cauchemar, roman de 1946 qui vient d’être réédité en poche, est autobiographique et très proche de ce qu’on peut lire de la vie de l’écrivain sur sa fiche Wikipédia.
Le roman débute en 1945, dans un petit village allemand où les Doll ont une résidence secondaire. Lui est écrivain, Alma sa seconde épouse veuve d’un premier mariage, beaucoup plus jeune tranche dans le décor. Les Russes de l’Armée Rouge approchent et presque tout le monde fuit sauf eux, dans l’attente « des libérateurs si longtemps attendus » et Doll de se retrouver désigné maire temporaire par le commandant Russe, au grand déplaisir des locaux. Epuisés par la mesquinerie et la bassesse des habitants, les Doll décident d’abandonner le village pour retrouver leur appartement à Berlin. Mais la ville est en ruines, le couvre-feu régit les déplacements, leur appartement a été réquisitionné et Alma blessée à une jambe doit aller à l’hôpital. La guerre est finie mais la descente aux Enfers continue…
Les galères vont succéder aux galères, la bureaucratie qui leur refuse le droit de récupérer leur appartement et sans logement pas de carte d’approvisionnement d’où marché noir et dépenses en conséquence. Hôpital pour elle et sa septicémie à sa jambe, sanatorium pour lui, la morphine fait des merveilles… Autour d’eux outre les ruines de la ville, les gens sont cupides, mesquins, cramponnés à leur misère où la faim et le froid font leur loi. Si Alma réside à l’hôpital, lui réussit à se dégotter un cagibi dans son ancien logement. Elle, jeunesse oblige, conserve son exubérance optimiste mais Doll sombre dans le pessimisme le plus noir : pessimisme sur leur avenir propre et, plus général, sur le peuple Allemand, « ce peuple de vaincus », où aujourd’hui encore, après avoir enduré le nazisme, il constatait « que le mal triomphait encore et toujours, que tout ce qui existait ne faisait que régresser ». Avanies, humiliations et souffrances se succèdent, espoirs déçus…
Le dernier chapitre montre pourtant une embellie, un écrivain célèbre et un éditeur offrent leur aide à Doll, il obtient un logement correct et recommence à écrire un roman qui ressemble à celui-ci (mise en abîme), l’optimisme est de retour avec la pensée positive « Continuer à vivre et travailler ! Voilà le mot d’ordre ! ». Mais nous sommes alors en été 1946 et si Doll va mieux, Hans Fallada décédera quelques mois plus tard, début 1947.
J’aime beaucoup cet écrivain dont j’ai déjà chroniqué plusieurs ouvrages et ce roman ne fait pas exception, il est très bon.
« Dans cette procession continue de toxicomanes, Doll reconnaissait des compagnons de souffrances, des gens qui comme lui avaient désespéré d’eux-mêmes et de l’Allemagne, qui s’étaient effondrés sous le poids de toutes ces humiliations et de cette débauche, et qui avaient fui dans des paradis artificiels. Ils cherchaient tous, comme lui, la « Petite Mort ». Ils avaient peut-être tous encore un dernier espoir qui les retenait de franchir le dernier pas, à tous il manquait – exactement comme à Doll – la dernière et décisive impulsion pour passer à l’acte. Partout la même fuite devant le présent, le refus de supporter sur ses épaules le poids dont une guerre ignominieuse avait chargé tous les Allemands. »
Hans Fallada Le Cauchemar Folio - 321 pages -
Traduit de l’allemand par Laurence Courtois
2 commentaires
Une vie tellement... chaotique et triste !
Mais c’est souvent le propre des écrivains nous donnant de bons bouquins…. ?
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