Jeanette Winterson : Frankissstein
06/12/2021
Jeanette Winterson, née le 27 août 1959 à Manchester, est une romancière britannique et Frankissstein Une histoire d’amour, son nouveau roman, vient de paraître.
En 1816, Mary Shelley (1788-1851) est mise au défi d’écrire une histoire de fantôme par son époux, le poète Percy Shelley (1792-1822) et son ami Lord Byron (1788-1824). Un défi relevé de main de maitre puisque la jeune femme inventera le docteur Frankenstein et sa créature. De nos jours en Grande-Bretagne, Ry Shelley, médecin transgenre, fournit des membres humains à Victor Stein son amant, un pionnier dans la recherche sur l’intelligence artificielle (IA) menant un projet aussi fou que secret. De son côté, Ron Lord, fabrique des robots sexuels pour répondre à toutes les pulsions masculines.
Le vrai bon roman du moment ! Enfin !
La narration fait courir en parallèle, deux époques, deux personnages aux idées folles, deux idées qui n’en font qu’une, faire revivre les morts, prolonger la vie et voyons plus loin encore, supprimons le corps pour n’en conserver que l’essentiel, le cerveau. Waouh !
Jeanette Winterson fait très fort avec cet extraordinaire bouquin, autant par le style que par le fond. Les chapitres alternent les époques, nous revivons la vie de Mary Shelley, leurs voyages avec son époux en Italie, leur amour intense, les décès de leurs enfants, la conception de son fameux Frankenstein, le lecteur se sent petite souris surprenant leurs conversations, partageant leur intimité, écoutant avec intérêt leurs échanges d’idées. Cette partie du livre était déjà très bien à elle seule, les autres chapitres se déroulant de nos jours sont eux, renversants.
L’angle narratif mêle l’humour (Ron Lord est un type très basique, un peu lourdingue mais non sans un certain bon sens populaire parfois), l’amour (les Shelley) ou une certaine conception de l’amour entre Ry, le transgenre (femme devenant homme) et Victor le savant fou ou visionnaire (?), la culture, car les références sont multiples (littéraires, scientifiques etc.), les réflexions politiques (piques anti-Brexit) ou sociales (« Quel est l’intérêt du progrès s’il ne bénéficie qu’à quelques-uns pendant que tous les autres souffrent ? »).
Quant aux (nombreux) thèmes traités dans ce livre, ils touchent aux fondamentaux de l’être humain, soulevant des questions qui laissent le lecteur bouche bée, comme par exemple : et si demain l’Homme s’exonérait du biologique, par transfert (téléchargement) du contenu de son cerveau dans une machine, donnant à celle-ci une conscience ?
Fascinant, excitant, inquiétant et faisant réfléchir. Je ne sais pas quoi dire de plus pour vous pousser à lire ce roman magistral que j’ai adoré.
« Il y a un problème, Ron, et la solution à ce problème n’est pas réconfortante. D’un point de vue médical et légal, la mort survient suite à une défaillance cardiaque. Votre cœur s’arrête. Vous rendez votre dernier soupir. Mais votre cerveau, lui, fonctionnera encore pendant environ cinq minutes. Ou dix, ou quinze dans les cas extrêmes. Le cerveau meurt parce qu’il est privé d’oxygène. Il s’agit de tissus vivants comme le reste du corps. Il est donc possible que notre cerveau sache que nous sommes morts avant de mourir à son tour. Vous vous foutez de moi. Je ne me fous pas de vous, Ron. »
Jeanette Winterson Frankissstein Une histoire d’amour Buchet-Chastel - 344 pages -
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Céline Leroy
2 commentaires
Tu nous dégotes de ces nouveautés!!!
Je reconnais, en toute modestie évidemment, être assez content de moi avec ces bons bouquins lus ces derniers temps ; ce que confirmeront mes futurs billets ! Eh oui !
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