Les dictionnaires ce monde merveilleux
19/02/2022
Enfant je vouais un amour immodéré pour les dictionnaires et les encyclopédies. Un bonheur que les plus jeunes aujourd’hui ne connaissent plus. Google et Wikipédia ont tué le plaisir de la recherche puisque tout le savoir est désormais dans votre poche, il suffit de sortir son smartphone et la quasi-totalité des connaissances humaines sont accessibles en un ou deux clics ! C’est génial et triste à la fois pour ceux qui comme moi, ont connu ces deux époques.
Mon plus vieux souvenir remonte à mes cinq ou six ans (?), disons quand je savais lire couramment. Mon émerveillement devant ce vieux dictionnaire Larousse datant de 1948, que j’ai récupéré et conserve dans ma bibliothèque. Déjà à l’époque, il me semblait vieux avec ses pages jaunies par endroits mais à la tranche rose saumon. Et comme j’évoque ses couleurs, les fameuses pages roses, entre les noms communs et les noms propres, répertoriant des citations latines, me semblaient le summum du savoir. Pour mon âge le respectable ouvrage pesait bien lourd et je devais le poser sur une table ou mes genoux pour le lire. Et pour le lire, je l’ai lu ! J’ai entamé une lecture page après page, mot après mot avant de crier grâce.
Par contre, un peu plus tard mon grand intérêt pour les mythologies grecque et romaine [ Ah, ces héros présents dans les deux mythologies mais sous des noms différents, délicieuse embrouille ! Et que valent ces dadais de chez Marvel qui se baladent avec leur slip par-dessus leur collant !!!! comparés à Hercule et ses travaux ou bien Zeus qui se transforme en cygne pour séduire la belle Léda…] ainsi que pour la Bible et autres religions, m’a amené à éplucher mot après mot dans les noms propres, pour y retrouver la trace de tous les acteurs de ces épopées, d’Aaron fils ainé de Moïse à Zoïle, critique envieux d’Homère, j’ai commencé à user mes yeux sur ces lignes écrites bien petit. Les noms propres, je les ai tous lus, qu’en ai-je retenu ? Au mieux, un vernis de culture générale.
Je m’étais régalé avec ce dico, j’ai connu l’extase (sic !) avec l’arrivée sur le marché du Livre des Livres, pour moi l’évènement le plus extraordinaire qui soit : le premier volume du QUID.
Nous sommes en 1963, j’ai donc onze ans, la première édition paraît chez Plon en mars, elle a la taille d'un livre de poche de 632 pages, sans aucune illustration, avec un index de dix pages. Un ouvrage encyclopédique en un seul volume à parution annuelle, qui avait l'ambition de rassembler sous une forme très condensée, souvent en style télégraphique et avec maintes abréviations, le maximum d'informations chiffrées sur les faits les plus variés. Que vous vouliez connaitre la liste de tous les clubs de football ayant gagné le championnat de France, les prix Nobel de chimie ou littérature, des données géographiques ou historiques sur tel ou tel pays, les films dans lesquels avait joué untel ou untelle etc. C’était trop pour moi, ce condensé de savoir en un livre finalement pas si gros. Aujourd’hui encore je suis pantois d’admiration devant ce truc fabuleux. Tous les ans le bouquin prenait de l’épaisseur et dû changer de format pour y caser tout ce que ses auteurs, les époux Frémy, voulaient y mettre. Comme c’était à prévoir, l’arrivée d’Internet tue le QUID, dont la dernière édition date de 2007. RIP.
En ce début d’années 60 mon goût pour ce type d’ouvrages va connaitre une autre joie, plus encombrante celle-là, quand mes parents vont m’abonner à Tout l’Univers, une encyclopédie en une vingtaine de volumes (à peu près ?). De la couleur, des photos, des schémas, traitant de science, d’histoire, géographie… Quand l’édition papier va péricliter, l’encyclopédie existera sous forme de CD-Rom puis d’un site Internet avant de disparaitre à son tour en 2015.
Je comprends très bien qu’on plébiscite Google et Wikipédia, je ne suis d’ailleurs pas le dernier aujourd’hui à les utiliser ! Mais la recherche d’information dans les livres va au-delà de la simple obtention du résultat. Dans quel livre chercher ? Comment retrouver l’information dans le bon livre ? Il faut remonter le fil, une véritable enquête qui ouvre d’autres portes vers d’autres interrogations – à mettre de côté pour une future recherche, sinon on s’égare – en somme une tournure d’esprit différente débouchant sur d’autres savoirs, d’autres curiosités intellectuelles. Il y a aussi le fait qu’avec Internet dans nos poches et la culture de l’instant, la mémoire paraît un muscle désuet. Les générations futures diront si c’est une bonne ou mauvaise affaire…
Je le répète donc, je ne condamne pas Internet et ses outils magiques, mais les bons vieux bouquins d’hier, c’était un autre monde, une source illimitée de plaisirs.
2 commentaires
Mais ouiiii, le QUID, j'avais oublié ! Comme toi j'ai été très jeune une amoureuse des dictionnaires et encyclopédies, qui ne m'a jamais quitté = j'ai une édition du Grand Larousse au bureau en plus de celle de la maison, ainsi que des dictionnaires des synonymes en divers formats (j'ai aussi eu ma période dictionnaires de citations, anthologies poétiques et encyclopédies historiques, et je ne parle pas des atlas !!)..
Lorsque je feuillette un dico papier, j'ai tout de même le sentiment d'être davantage maitresse de ma "navigation" : sur internet tout est fait, en nous incitant à cliquer de lien en lien, pour nous garder rivés à la toile, et/ou pour nous amener vers des contenus à vocation marchande.. rien que ça fait que je préfère me perdre dans le bon vieux papier.. (et puis internet n'a pas d'odeur...)
Une fois encore nous nous comprenons parfaitement. Sans trop détailler ma collection de dictionnaires, je possède Le Grand Robert en 6 volumes et un Petit Robert, Le Littré en 7 volumes, deux éditions du Larousse et deux éditions du QUID pour les souvenirs….
Et merci pour le passage de témoin car quand tu dis « internet n’a pas d’odeur » ça me donne une idée de billet pour plus tard !
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