Le livre en odeur de sainteté
05/03/2022
Je suis certain que beaucoup d’entre vous tout comme moi, ont déjà eu cette envie folle qu’on ne réalise que lorsque nous sommes à l’abri du regard des autres, plonger son nez au plus profond du sillon entre les pages d’un livre, pour en humer la délicieuse odeur. Car oui, les livres ont une odeur, du moins certains d’entre eux.
De mon expérience et armé de mon seul tarin qui n’a rien d’exceptionnel, je crois pouvoir dire qu’il y a deux sortes d’odeurs, celle des livres neufs et celle des vieux livres. Un tarbouif plus exercé y dénichera peut-être des nuances qui m’échappent, je me contenterai de mes deux options.
Le livre neuf il sent le neuf ! Lapalissade mais qui exprime bien ce qu’on ressent quand on ouvre l’ouvrage. Nulle main ne l’a touché avant nous, peut-être même que les pages craquent d’être écartées et déflorées même si on s’y prend avec la plus extrême délicatesse. J’écarte les feuillets à deux mains et lentement je plonge mon nez dans ce fumet promesse d’une découverte, à chaque fois renouvelée, une nouvelle aventure sensuelle, une nouvelle lecture. Vite, je referme le livre, le temps que mes fosses nasales et mes poumons se grisent de ce parfum entêtant. Et puis j’y retourne… Désormais ce livre est à moi, il m’a livré son intimité embaumée, nous allons pouvoir faire connaissance plus pleinement par la conversation entre l’auteur et son lecteur.
Le livre neuf ne sent pas toujours bon, certains ne sentent rien du tout mais entre les deux, je préfère encore le premier. Au moins a-t-il sa particularité, sa caractéristique. Si sa lecture m’a plu, j’oublierai son relent ; et s’il m’a déplu, sa puanteur ajoutera à mon agacement, « nul et puant, une lecture à éviter ! »
Reconnaissons néanmoins que le livre neuf, quand il sent, dégage une odeur chimique. Celle du mélange complexe des substances résultant de l’impression du livre, de la création de sa jaquette et des colles servant à l’assemblage. Toutes choses qui ne m’intéressent pas trop mais qui ont attiré le monde de la parfumerie puisque j’ai découvert qu’on vendait des parfums « aux eaux de bookstores » !
Et que dire de l’odeur des vieux livres ! Par définition, le vieux livre a vécu, il a un passé et de toutes ses années, ses passages de mains en mains, les épreuves qu’il a peut-être subies, le temps l’a marqué d’odeurs diverses et variées. La poussière, la saleté, les taches alimentaires éventuellement, comme le café ou le chocolat, d’autres moins ragoutantes (sang…) l’ont souillé. La moisissure, le papier vieilli qui se flétrit lui donnent une certaine noblesse. Celui-là on le respire avec respect, on y recherche l’impossible, découvrir/décrypter son histoire par l’odorat. On imagine, on suppute, on joint nos hypothèses à nos propres souvenirs, d’un livre inconnu aux odeurs incertaines on fait une madeleine de Proust espérant que le fumet nous livre ses secrets. Autant dire que les vieilles librairies de province, les vide-greniers, sont mes cuisines préférées, là où mon flaire me guide pour mes emplettes.
Jeunes gens, faites profiter vos narines de l’odeur des vieux livres de vos grands-parents ou parents, plus tard quand vous-mêmes serez vieux, les vieux livres de votre jeunesse ne sentiront pas la même chose, car les procédés de fabrication n’étant pas les mêmes, les effluves différeront.
2 commentaires
En fait je me moque qu'on me regarde quand je sens les bouquins! ^_^ Et les livres scolaires, quel parfum!
Les livres scolaires, c’est si loin pour moi que je n’y pensais plus et que leur odeur se mêle, dans mes souvenirs, à celle plus générale de la rentrée avec ses cahiers neufs et la trousse avec porte-plume et gomme… Merci Keisha pour ce doux souvenir !
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