Olga Tokarczuk : Le Banquet des Empouses
07/03/2024
Olga Tokarczuk, née en 1962 à Sulechów en Pologne, est une femme de lettres polonaise. Elle étudie la psychologie à l'université de Varsovie et durant ses études travaille bénévolement avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Après avoir terminé ses études, elle devient psychothérapeute. A partir de 1997, elle se consacre entièrement à l’écriture, se disant inspirée par William Blake. Olga Tokarczuk obtient le prix Nobel de littérature en 2018. Le Banquet des Empouses sous-titré Roman d’épouvante naturopathique, vient de paraître.
En 1912. Mieczyslaw Wojnick, jeune étudiant polonais à la délicatesse toute proustienne, arrive au sanatorium de Görbersdorf en Basse-Silésie, pour soigner sa tuberculose. Faute de place disponible dans l’établissement, il est logé dans une pension pour messieurs, en compagnie d’une poignée d’autres hommes malades eux aussi.
Dès les premières pages, nous devinons que Wojnick dissimule un secret intime quand il use de stratagèmes pour éviter de se déshabiller entièrement lors des examens médicaux. A ce mystère s’en ajoute un second quand on découvre le corps pendu de la femme du patron de la pension ; et pour que l’ambiance mystérieuse s’amplifie, une rumeur locale circule au sujet d’un cadavre retrouvé l’an passé dans la forêt, une sorte d’habitude se répétant chaque année en novembre…
Un roman qui sous des dehors frisant avec l’épouvante soft guère éloignée de la science- fiction (les Empouses), en instaurant une atmosphère de secrets tus par les locaux (meurtres rituels, sorcières), de rumeurs colportées par les uns et les autres (c’est l’aubergiste qui aurait tué sa femme) et de situations légèrement inquiétantes, traite de sujets importants et parfois philosophiques.
Le plus évident c’est la critique de la misogynie. Les patients logés à la pension passent leur temps à discuter de mille et un sujets, et toujours en viennent à y faire intervenir leur conception de la personnalité de la femme dans des termes qui laisseraient bouche bée aujourd’hui : « Un homme peut vaincre certaines tentations délirantes grâce à sa volonté, or, puisque la femme en est presque toujours privée, elle n’a aucune arme pour se battre. » En laissant ces hommes s’exprimer sans contradicteurs et par un effet d’accumulation, la niaiserie de leurs propos est affligeante pour eux.
Seul Wojnick ne dit rien, il écoute, n’ayant aucune expérience féminine dans le sens traditionnel où on l’entend. Il va découvrir qu’il incarne néanmoins le lien parfait entre masculinité et féminité, et la chrysalide de devenir papillon…
Pas mal du tout.
« Pour moi, les démons sont une sorte de garantie de la pérennité de l’existence. Qu’est-ce que ce serait si entre le monde et Dieu béait un immense trou, un quasi-abîme de vide éthéré ? Les démons comblent ce trou dans l’existence. C’est comme les saints du catholicisme, ils sont également des sortes de démons, mais bienveillants à ce qu’il paraît. Puisqu’il y a une place pour les saints, vous devez en faire une pour les démons. Celui qui croit à saint Antoine doit croire aux démons qui l’ont persécuté, c’est logique. »
Olga Tokarczuk Le Banquet des Empouses Roman d’épouvante naturopathique Les Editions Noir sur Blanc - 295 pages -
Traduit du polonais par Maryla Laurent
11 commentaires
J'ai vu ce livre récemment chez Natahalie (Mark & Marcel) qui l'a également apprécié. Pour ma part, j'ai lu "Sur les ossements des morts" de la même autrice, une expérience singulière, mais dont je garde tout de même le souvenir d'une bonne lecture.
Une écrivaine au style original c’est exact. C’est son point fort (selon les goûts ou non du lecteur), je l’avais constaté avec « Histoires bizarroïdes »… Ce qui est certain c’est que c’est de qualité !
J'aime beaucoup cette écrivaine, je lirai certainement ce roman mais je ne sais pas quand
Bonne future lecture !
Je la lis quasi systématiquement, donc c'était déjà noté.
Je te fais confiance pour avoir ton avis prochainement.....
J'en ai encore d'anciens à lire ... j'ai remarqué que certains de ses titres avaient du mal à sortir en poche... mais j'attendrai !
Tout n'est pas sorti en poche mais il y a déjà de quoi faire aujourd'hui :
https://www.amazon.fr/s?k=Olga+Tokarczuk+en+poche&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=8DTVQNU810D&sprefix=olga+tokarczuk+en+poche%2Caps%2C227&ref=nb_sb_noss
Il n'y a que Récits ultimes que je n'ai pas lu parmi ceux sortis en poche...
Tu as raison, le héros est proustien ... J'ai beaucoup apprécié l'atmosphère de ce roman, malgré les bavardages parfois un peu longuets de ces messieurs. ( mais l'ironie de l'autrice a sans doute besoin de ce temps long pour se mettre en place)
Judicieuse remarque : « malgré les bavardages parfois un peu longuets de ces messieurs. ( mais l'ironie de l'autrice a sans doute besoin de ce temps long pour se mettre en place) »
Et c’est effectivement l’atmosphère du roman qui en est le principal atout.
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