Emma Cline : Harvey
07/08/2025
Emma Cline, née en 1989 à Sonoma en Californie, est issue d'une famille de vignerons de la Napa Valley et a grandi dans une fratrie de sept enfants. Elle étudie dans le Vermont puis bénéficie du programme d'écriture de l'université Columbia. En 2014, elle est lauréate du Plimpton Prize avec une de ses nouvelles et la même année publie son premier roman, The Girls. Harvey date de 2021.
Harvey (Epstein) est convoqué au tribunal pour l’ouverture de son procès dans 48h. Actuellement, un bracelet électronique au pied, il s’est éloigné de New York, au calme dans la villa d’un ami dans le Connecticut. Il est certain d’être innocenté « demain c’en sera fini » répète-t-il sans arrêt. Dans la maison voisine, il reconnait l’écrivain Don DeLillo et va le saluer, imaginant déjà de monter un film à partir de l’un de ses romans dès son procès terminé car « demain c’en sera fini ». Coups de téléphone à ses avocats ou d’éventuels partenaires professionnels, attente du médecin venu lui faire sa perfusion car sa santé n’est pas brillante, son dos le fait souffrir, et puis sa fille Kristin doit passer dîner avec la petite Ruby…
Pourquoi je n’ai pas aimé ce roman :
Parce que c’est un roman à la DLC dépassée. A la seule lecture de ce livre, on ne sait absolument pas de quoi Harvey est accusé exactement, on devine qu’il y a des raisons sexuelles mais c’est tout. Donc, celui qui ne se souvient plus de l’affaire qui date de 2019 ne comprend pas vraiment quels sont les enjeux en présence.
Et quand on s’en souvient, on peut s’interroger sur le message que Emma Cline veut nous faire passer ? Ici, Harvey sans être un personnage très plaisant à fréquenter, on devine qu’il n’aime pas qu’on lui résiste, manipulateur, l’amabilité n’est pas sa seconde nature, mais il n’est pas pour autant franchement antipathique. Emma Cline montre un homme souffrant, vieillissant et en proie à des doutes. On nous le présente comme un homme persuadé de son innocence qui demain sera acquitté… et pourquoi pas, puisqu’on ne sait pas pourquoi il y a ce procès !
Donc, le bouquin est bancal, il ne tient à peu près que sur ce que le lecteur lui apporte, sa connaissance de « l’affaire Epstein ».
« … Polanski continuait à faire des films, il continuait à skier dans les Alpes suisses avec des potes, et à remporter des récompenses. Harvey, c’était du pipi de chat, par comparaison. Ces femmes étaient des adultes. Est-ce qu’il avait baisé des adolescentes ? Non. Est-ce qu’il leur avait fait avaler des Quaaludes ? Non. La plupart du temps, elles avaient leurs propres substances préférées, un peu dans le style chacun apporte sa bouteille, et Harvey prenaient ce qu’elles lui offraient. »
Emma Cline Harvey La Table Ronde - 106 pages -
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
4 commentaires
Pas la peine de s'y attarder, donc. Comme toi, j'ai en revanche aimé The Girls, mais aussi L'invitée, qui je crois est à ce jour son dernier roman (ou en tous cas le dernier traduit en français).
J'ai lu ce roman par hasard (exposé en bibliothèque) et parce qu'il était court et parce que j'avais un bon souvenir de l'écrivaine, pas sûr que je la relise un jour, néanmoins...?
Bonjour ! Je ne l'ai pas lu mais, effectivement, je comprends ce qui peut être dérangeant à l'idée de ne pas dire explicitement de quoi il est accusé. C'est encore une fois invisibiliser les rapports de domination et la manière dont le pouvoir structure la société.
Je sors de ce roman très troublé, non par son sujet en lui-même, mais par la position adoptée par l’écrivaine ! Et je m’interroge, soit il manquait des pages à mon exemplaire (Ah ! Ah ! Ah !) soit j’ai raté un truc ? Et si c’est le cas, c’est très inquiétant….
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