Henri Bosco : L’Ane Culotte
09/10/2012
Le romancier Henri Bosco est né à Avignon (1888) et mort à Nice (1976). Chantre du Luberon, humaniste, Bosco aime cette montagne magique pour la simple et unique raison que « les hommes depuis la nuit des temps y ont vécu et souffert ». Ses romans constituent une évocation sensible de la vie provençale où son imagination débordante participe au pouvoir envoûtant de son écriture.
Une fois encore je dois faire mon mea culpa, j’avais toujours pensé que L’Ane Culotte (écrit en 1937) était un roman pour la jeunesse (en raison de son titre) et comme c’était l’un des plus connu de Bosco, j’avais ignoré cet écrivain. Pauvre de moi ! Autant dire que j’ai du pain sur la planche pour rattraper mon retard, au vu de l’œuvre considérable de ce très grand écrivain, couronné du Renaudot pour Le Mas Théotime (1945) entre autres distinctions.
Dans un petit village de Provence, un enfant, Constantin Gloriot, est fasciné par un âne étrange, l'âne Culotte, nommé ainsi parce qu'il porte des pantalons, « À vrai dire, ces pantalons ne recouvraient que ses deux pattes antérieures ». Un jour, Constantin désobéit et suit l'âne jusqu'à sa destination dans la montagne, au cœur d'un domaine secret Belles-Tuiles, où les animaux sauvages vivent sans crainte auprès d'un vieil homme mystérieux, Mr Cyprien.
On ne sait pas grand-chose de cet homme au village où il ne descend jamais, préférant y envoyer son âne pour qu’il en ramène quelques provisions. Seul le curé, l’abbé Chichambre, semble en savoir un peu sur la vie passée de cet étrange paroissien. Inexorablement attiré par ces lieux étranges, Constantin, gamin d’une dizaine d’années, va être entraîné dans une aventure dépassant son entendement.
Mr Cyprien, à l’aide de pouvoirs secrets, a recréé un petit Paradis terrestre autour de son mas. Les plantes et les arbres poussent à foison, les animaux y vivent en harmonie, la paix règne sur ce bout de montagne isolée. Le secret Mr Cyprien, très âgé, a repéré le jeune Constantin au cœur pur, il envisage de lui transmettre ses pouvoirs afin qu’il continue son œuvre. Mais ce nouveau Paradis n’échappera pas à la malédiction du premier, poussé contre son gré par une gamine du village, Constantin y dérobe une branche d’amandier…
J’aurais pu évoquer, grand-mère Saturnine qui régente la maisonnée, La Péguinotte domestique ronchon mais au grand cœur, Anselme le berger, Hyacinthe la petite souillon au rôle mystérieux, les gitans qui campent à proximité du village, tous ces personnages attachants qui peuplent le roman, mais je préfère vous en laisser la découverte.
Je sors de la lecture de ce très beau livre, estomaqué, tant je suis tombé sous le charme de cet écrivain. Tout y est magnifique, la description de la région nous restitue merveilleusement les sensations éprouvées quand on y a séjourné, le chaud soleil, les odeurs de la terre et des plantes, le bruit du vent dans les arbres, le chant des oiseaux. Sur cette terre de lumière, Henri Bosco réussit néanmoins à construire un roman de l’ombre, très vite le mystère plane puis l’étrange nous prend et ne nous lâchera plus. L’écriture est dense, le roman pas si long, on ne peut l’abandonner, on écarquille les yeux à suivre cette aventure merveilleuse qui mêle l’innocence de l’enfance, la sagesse des anciens, le mythe du paradis perdu et les diableries comme on les craint dans les provinces.
A propos de l’oeuvre de Henri Bosco, Raymond Dumay écrivait « Elle ne doit rien à l’école dite américaine qui fait d’un reportage un roman, mais elle nous rappelle l’existence de cette source cachée : l’âme ».
« Noir-Asile, malgré son air de solitude, m’attirait, tant par le secret de son site caché derrière d’énormes buissons de genêts d’or, que par je ne sais quel charme encore humain. Resté seul dans le grand jardin, je ne tardai pas à sentir l’attrait de cette cabane de chiens qui, pendant si longtemps, avait abrité les mystérieux conciliabules d’Hyacinthe avec elle-même. Après l’étrange, l’inoubliable Belles-Tuiles, c’était pour moi l’un des plus graves habitats de l’enfance. J’y revenais plus souvent, et je m’y attardais des heures entières, sans pourtant y entrer. Mais, adossé à ses parois de planches, assis dans l’herbe sèche qui sentait le feu de l’été, j’y reprenais peu à peu avec la terre tiède ce contact de plaisir et d’angoisse dont le souvenir, depuis lors, n’a cessé de troubler ma vie. Car j’aime la terre. »
Henri Bosco L’Ane Culotte Folio
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