Patrick Dennis : Tante Mame
12/10/2012
L’écrivain américain Patrick Dennis – de son vrai nom Edward Everett Tanner – est né en 1921 dans l’Illinois et décédé à New York en 1976. Très populaire dans son pays durant les années cinquante, il avait néanmoins beaucoup ramé avant de voir ce premier roman publié après dix-neuf rejets d’éditeurs qui par la suite durent s’en mordre les doigts puisque ce fut un énorme succès qui sera adapté au cinéma, au théâtre et en comédie musicale, n’en jetez plus la cour est pleine !
Nous sommes dans les années 30, à la mort de son riche père, Patrick devenu orphelin est confié à sa tante Mame, sœur de son père, qu’il ne connaît pas pour son éducation et son héritage à un administrateur jusqu’à sa majorité. En rédigeant ce testament son père avait ajouté verbalement que « tante Mame était une femme très spéciale, et qu’être confié à ses mains est un sort qu’il n’aurait pas souhaité à un chien, mais qu’on ne choisit pas à qui l’on emprunte, et que Tante Mame était ma seule parente en vie ». Une déclaration qui donne d’emblée le ton de ce roman.
Le jeune Patrick va atterrir dans un environnement complètement déroutant, sa tante étant une jeune femme particulièrement excentrique mais non dénuée de qualités et d’instruction « elle était charmante, elle avait l’intuition et l’originalité, et connaissait nombre de gens influents. » Fêtes et parties, champagne coulant à flots, couchers à pas d’heure, les débuts de la cohabitation sont étourdissants. La tante n’est ni avare de son argent, ni de son entrain. Quand elle connaîtra un sévère revers de fortune elle ne sera pas à court d’énergie pour se dégoter une occupation rentable, même si elle prend ses rêves pour des réalités, transformant ses efforts en catastrophes, passant d’une carrière de styliste à celle d’écrivain etc. Patrick suit tout cela d’un œil étonné au début. Les années passent, le gamin va à l’université puis se cherche une femme pour fonder un foyer.La Tante Mameest toujours proche, s’est refait une santé financière, plus fantasque que jamais, les années n’ayant pas de prise sur son caractère et à peine sur son physique, elle entend continuer à régir la vie de son neveu devenu un jeune adulte.
Chacun des onze chapitres du roman est un épisode de leur vie commune faite de furie, de démesure et d’extravagances causées par la tante qui se vautre dans les situations les plus invraisemblables. Traité sur le mode de l’humour anglo-saxon, c’est toujours souriant, parfois très drôle, quelquefois agaçant quand la tante pousse le bouchon un peu loin. Mais attention, tante Mame n’est pas que superficielle comme ses attitudes le laissent souvent penser, elle sait aussi tenir sa place en toutes circonstances et milieux (si elle le veut bien !) et elle saura faire preuve d’indépendance morale et d’autorité pour rendre la justice et défendre ses amis juifs cruellement calomniés sans preuves aucunes par les très riches parents de la jeune fille prête à convoler avec Patrick. Derrière la femme frivole se cache une personne très attachante, derrière la femme vivant dans le luxe se cache une femme sachant s’adapter à toutes les situations, ne cédant jamais au découragement, une battante comme on dit aujourd’hui.
Le style de Patrick Dennis est alerte et à la lecture du roman on comprend aisément qu’il ait été adopté au théâtre tant il pétille comme un vaudeville. On jubile et on ne peut manquer de penser à P.G. Wodehouse car nous sommes dans la même veine d’humour, mais Wodehouse reste toujours insurpassable dans le genre pour moi.
« - Ouiiii mon chéri ! » Elle baissa le ton, sa voix se fit grave. « Et Patrick, je veux que tu apprennes à connaître Brian. A le connaître comme moi je le connais – ou presque. Tu l’aimes bien, n’est-ce pas ? Et, mon chéri, ajouta-t-elle, m’embrassant sur le sommet du crâne, s’il devait jamais aborder des questions d’âge – je veux dire, te demander quel âge… bon, tu vois, dis-lui que j’ai trente-cinq ans, et toi douze. Il est tellement viril, n’est-ce pas ? Conclua-t-elle dans un chuchotement, me serrant fort le bras, tandis qu’il réapparaissait. Je commençais à bien discerner le tableau. »
Les commentaires sont fermés.