Régis Franc : London prisoner
13/10/2012
Régis Franc (né en 1948) est un auteur de bande dessinée, cinéaste et écrivain français.
Révélé par ses BD au milieu des années 1970 dans Charlie Mensuel et Pilote, il acquiert une assez large audience à la fin des années 1970 avec le strip quotidien, Le Café de la plage, publié dans Le Matin de Paris. Il délaisse peu à peu la bande dessinée à partir du milieu des années 1990 pour se consacrer à l'écriture et au cinéma. Son nouveau bouquin, London prisoner, vient tout juste de paraître.
Il s’agit d’un récit dans lequel l’auteur se propose d’éclairer la lanterne de nos compatriotes français qui envisageraient d’émigrer vers Londres. Régis Franc est bien placé pour en parler, puisque depuis six ans il a franchi la Manche avec femme et enfants, pour s’installer dans la capitale anglaise. L’ouvrage ne s’attarde pas sur les raisons de cet exil choisi mais d’après ce que j’en ai compris, sa femme y est née, ce qui expliquerait ce choix.
S’expatrier n’est jamais simple. Il y a toujours les amis déjà installés qui vous y poussent en jurant que là-bas (quelque soit le pays d’ailleurs) tout est mieux qu’en France, qu’il n’y a pas photo. Ca, ce sont les discours et la théorie, mais dans la pratique, quand de surcroît vous ne parlez pas langue couramment, c’est une autre histoire.
Une histoire que Régis Franc nous raconte. Dès les premières pages du récit on constate qu’il y a un aspect du problème qui n’encombre pas l’auteur, je parle du budget. Il ne semble pas que l’écrivain soit dans la misère, ce qui lui permet d’envisager acheter une maison dans Londres, y faire faire des travaux de rénovation durant un an, tout en vivant dans une location ailleurs dans la même ville, pendant ce temps. Quand on a l’esprit dégagé de ces problèmes bassement matériels, on a ses aises pour écrire un bouquin.
Le récit vous fera découvrir la mentalité et la manière de travailler des artisans anglais, en particulier les plombiers, sa tentative d’immersion dans le monde théâtral, l’importance des jardins pour nos amis anglais et la présence banale d’une famille de renards sur son propre lopin de terre en pleine ville. Nous le suivons aussi à travers la ville, le plus souvent dans les quartiers huppés ou nouvellement branchés dela capitale. Sanscompter sa plus grande déception, ne jamais rencontrer Paul McCartney.
Et pourtant, malgré le titre du livre, malgré le sujet abordé, ce qui m’a le plus touché dans cet ouvrage, ce sont les nombreux passages où il évoque sa jeunesse dans le Midi, du côté de Lézignan-Corbières. Sa vie à Londres, son installation là-bas, tout cela n’est qu’un prétexte, un alibi pour se remémorer – sans nostalgie, juste les faits – son adolescence heureuse dans un environnement familial fait de travail et de lutte des classes, « En ce temps-là, comment vous dire ? La classe ouvrière existait ». Ce qui laisse le lecteur rêveur quand il imagine ce que fut la vie du jeune Franc comparée à ce qu’elle paraît être aujourd’hui. Mais c’est peut-être aussi ce qui a motivé l’écriture de ce texte, un premier bilan en creux d’une vie bien remplie, dissimulé sous des pages d’humour pour se hâter d’en rire avant d’en pleurer.
Un livre agréable à lire et léger, délicatement critique à l’égard des Anglais mais écrit avec amour et humour. Enfin je le répète, car je crains le quiproquo, malgré son titre et son sujet, le meilleur n’est pas dans le Londres d’aujourd’hui, mais dans le Midi d’hier. Ce qui n’est pas un défaut. « Ici Londres, les Français parlent aux Français ! Tut ! Tut ! Tut ! »
« Grâce à ces garçons anglais, les adolescents devinrent « les jeunes ». Avant ça, les jeunes et vieux fraternisaient, réunis au café autour du saint pastis. La hiérarchie restait bon enfant. Jamais les jeunes bourrés ne manquaient de respect aux vieux ivrognes. Et puis, sous l’influence affreuse des Beatles ou pis encore, des Rolling Stones, les jeunes décrétèrent que l’alcool était une saloperie, qu’ils préféraient le haschisch. Le hippie déjanté apparut sous Sergeant Pepper. Une calamité, un tsunami dans un pays où de tout temps avait régné le dieu Pernot. »
Régis Franc London prisoner Fayard
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