Christine Orban : Le pays de l’absence
15/10/2012
Christine Orban est née en 1954, son premier livre date de 1986, elle est l’épouse de l’éditeur Olivier Orban. Son nouveau roman, Le pays de l’absence, vient tout juste de paraître.
Le livre est dédié à la mère de la narratrice et dès les premières pages on comprend qu’il est autobiographique en grande partie, même s’il est présenté comme un « roman ». A Paris, la romancière attend sa mère qui vient de Casablanca où elle habite, pour passer les fêtes de Noël. Tout de suite, dès les premières lignes, nous nous étonnons avec l’auteur de certaines attitudes ou réactions de cette mère âgée de soixante-douze ans qui ne veut pas se séparer d’une petite peluche trouvée, un singe, qu’elle croît être un animal vivant, chien ou chat, elle ne sait pas trop. Très vite l’évidence saute aux yeux du lecteur, la maladie d’Alzheimer est à l’œuvre, pourtant Christine Orban ne citera le mot qu’une seule fois durant tout ce roman et seulement au milieu du texte, dans le chapitre portant le titre de ce roman.
Je dois reconnaître que ce genre d’ouvrage me met toujours mal à l’aise, les descriptions de maladies, leurs effets sur le corps et l’esprit me terrifient et j’évite ce genre de lecture quand je choisis mes livres. Ici, il s’agit d’un bouquin qui m’a été offert donc je m’y suis plongé, avec angoisse quand j’en ai deviné le sujet mais j’ai bien fait de persévérer car Christine Orban ne nous inflige pas des descriptions cliniques ou des réflexions qui vous mettent le moral dans les chaussettes. Pas de scènes d’hôpital ou de médecins, la vie de tous les jours avec ses petits riens qui dans ce cas deviennent des montagnes. Avec beaucoup de classe, grâce à un style d’écriture très léger, de minces chapitres faits de phrases simples et courtes, elle nous montre les effets de la maladie qui s’installe. On sourit même parfois, devant les réponses de cette femme vieillissante qui fut belle et courtisée, lorsqu’un éclair de lucidité la met en face de l’impotence qui s’impose.
Le livre est aussi l’occasion pour l’écrivaine de dresser le parallèle entre les rapports inversés qui s’instaurent, petit à petit la fille devient la mère de sa mère, l’aidant à s’habiller, lui parlant comme à une petite enfant etc. Cette redistribution des cartes lui fait aussi prendre conscience qu’en réalité, depuis toujours la fille a tenté de protéger sa mère ce qui rendait leurs relations assez difficiles ou du moins particulières. Des pages pleines de tendresse, d’amour et de patience – car il en faut énormément – mais aussi d’agacement à devoir répéter sans cesse les mêmes choses simples, de honte un peu devant les autres, de tristesse bien sûr à voir un parent partir en lambeaux et perdre pied.
Un sujet grave mais traité avec assez de légèreté et un certain sens de l’humour pour nous faire avaler la potion sans rechigner mais non sans nous faire réfléchir. Un très beau livre, au titre magnifique.
« Et si vieillir était de devenir ce que l’on est en pire ? J’ai mis du temps à comprendre que je ne devais plus tenir compte de ses paroles. Que cela ne vaut plus rien une parole de maman, un regard, une acceptation, une opinion, un jugement, un conseil, plus rien, pas tripette, « oualou », comme on dit chez nous. Maman dit et se contredit, elle affirme et infirme quelques instants après… et moi je chancelle, parce que, malgré le naufrage, le plus difficile, c’est de ne plus la croire. »
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