François Mauriac : On n’est jamais sûr de rien à la télévision
15/10/2012
Entre 1959 et 1964 l’écrivain François Mauriac (1885-1970) a tenu une rubrique « télévision » dans L’Express puis Le Figaro. C’est l’intégralité de ces petits textes qui sont ici réunis dans un livre passionnant pour ceux qui ont vécu comme moi les premières heures de la télévision. D’abord c’est l’occasion de se remémorer des émissions oubliées (L’Homme du XX siècle, La vie des animaux, La piste aux Etoiles etc.) des feuilletons passés (Rocambole) et des acteurs (Denise Gence, Jean Topart, René Dary, la liste est sans fin) qui sont l’univers de ma jeunesse. A cette époque il n’y a qu’une seule chaîne de télévision, la seconde chaîne naît en 1964, et les émissions culturelles sont nombreuses. Les textes doivent être remis dans leur contexte de l’époque et lus avec en mémoire le fait que Mauriac est un écrivain catholique fervent, par exemple une émission médicale d’Igor Barrère et Etienne Lalou, traitant d’obstétrique, le choque. D’ailleurs il n’aime pas trop ces émissions médicales où les chairs s’ouvrent. Par contre ses chroniques sur les pièces de théâtres, les écrivains et les livres présentés, forcent l’admiration pour sa culture. Et en même temps on reste étonné de le voir apprécier Bonne nuit les petits avec Nicolas, Pimprenelle et surtout le gros nounours ! Il aime aussi beaucoup Brigitte Bardot avec des mots choisis tout en retenue. L’intellectuel catholique et Gaulliste dont j’avais une image pesante et chiante (disons-le) devient plus humain, presque « monsieur tout le monde » quand il est devant son poste. Il s’insurge quand une émission littéraire parle d’un écrivain ou de son œuvre par allusions, car tous les téléspectateurs ne pourront pas suivre. Lui qui dit ne pas s’y connaître en musique, se régale et nous régale, quand il évoque un récital de piano ou un concert diffusé parla télévision. Il ne se passionne pas beaucoup pour le sport mais quand les footballeurs français prennent une volée, il est accablé.
Certaines de ses remarques sont encore d’actualité, par exemple quand dans Cinq colonnes à la une il voit un condamné à mort américain donner une conférence de presse « et pourquoi un des journalistes présents ne demanderait-il pas à ce condamné s’il est partisan de la peine de mort ? Et c’est précisément cette question qui lui a été posée ! »
Un excellent bouquin pour ceux qui ont connu ces années et vu ces émissions de télévision qui dans nos mémoires côtoient la date de la bataille de Marignan, le Gaulois Vercingétorix et les textes du Lagarde et Michard.
François Mauriac « On n’est jamais sûr de rien avec la télévision » chez Bartillat
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