Fanny Saintenoy : Juste avant
16/10/2012
Fanny Saintenoy est née en 1971 et vit à Paris avec ses deux enfants. Après avoir été professeur de français langue étrangère, responsable du centre d'apprentissage des langues de la CIUP, elle travaille depuis quelques années au cabinet du Maire de Paris. Son premier roman, Juste avant, vient de paraître.
Certains livres sont comme des boîtes à musique, on les ouvre à peine et déjà la douce mélopée vous enchante. C’est exactement ce qui s’est passé lorsque j’ai entamé la lecture de ce roman, autobiographique je suppose, dès les premières lignes lues j’ai compris que j’avais un bon bouquin entre les mains.
Une vieille femme sur son lit de mort se remémore sa vie, Fanny son arrière petite-fille l’assiste dans ses derniers instants, elle aussi repasse le cours de leurs vies dans sa tête. Le sujet paraît mortifère dit ainsi mais il faut bien que je vous donne une idée du thème traité par l’auteur, d’ailleurs on ne devrait jamais s’attacher uniquement au résumé d’un roman car il n’existe finalement que très peu de sujets en vérité, l’amour, la mort et un ou deux autres peut-être, tout est dans l’art et la manière de les développer.
Fanny Saintenoy possède cet art. Le ton n’est jamais larmoyant, la vie est une succession d’instants de joie et de peines, souvenons-nous de nos moments heureux, tâchons d’oublier les mauvais. Un siècle d’histoire, en toile de fond de ce récit de la vie de cinq générations de femmes, de la mourante jusqu’àla petite Milena, fille de Fanny. Car il n’y a que des femmes dans ce roman, « les hommes, ils tiennent pas le coup dans cette famille, soit ils partent à la guerre, soit ils se défilent », le Front Populaire, les deux guerres, Mitterrand, quelques lignes suffisent à évoquer ces repères historiques dans les mémoires des deux femmes dont les réflexions se répondent par chapitres alternés.
Tout est magnifique dans ce premier roman, l’écriture est simple et familière, aucune de ces femmes n’a de destin sortant du commun, tout est assez banal pour être franc, mais c’est exprimé avec tant d’affection modeste et d’amour qu’on s’installe dans la lecture comme si on était chez soi. Un peu comme lorsque on va chez des voisins très chaleureux qui savent vous mettre à l’aise immédiatement, « les voisins, quand ça fait tellement longtemps, c’est presque la famille ».
Le bouquin est très court, 119 pages à peine, mais on se délecte de chacune, gorgée de force tranquille et de petites réflexions justes ou pleines d’humour, comme cette pensée de la vieille femme qui se meurt « J’ai souvent entendu les gens dire, du haut de leur grande jeunesse : « Si j’étais comme ça, je préfèrerais mourir. » J’aimerais bien vous y voir, petits frimeurs ! Quand le moment est venu, on s’emballe beaucoup moins. »
Fanny Saintenoy a trouvé un style et un ton qui font de son premier roman une vraie réussite, je vous conseille vivement ce livre.
« Un jour je leur ai raconté l’arrestation aux filles, c’était le première fois il me semble, j’aurai attendu quarante ans pour ça. Elles se sont foutues de moi parce que j’avais précisé que mon mari n’avait pas pu manger sa soupe avant de partir. Il était de la Corrèze, Louis, il a toujours gardé cette manie de la soupe à cinq heures du matin. Qu’est-ce que ça m’énervait ! Je me rappelle, y avait Marie, la petite filleule de Fanny, elle était pliée en deux, elle ne pouvait plus s’arrêter. C’est resté ça aussi. Ca ne m’a pas choquée. Moi, après, je rigolais comme elles. C’est vrai qu’un type qu’on emmène dans les bureaux de la Gestapo, il a sûrement d’autres préoccupations. »
Fanny Saintenoy Juste avant Flammarion
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