Jules Verne : Le Sphinx des glaces
17/10/2012
Jules Verne (1828-1905) l’un des écrivains français parmi les plus connus, celui dont chacun d’entre nous pourrait citer de mémoire, deux ou trois romans qu’il a lus (Vingt mille lieues sous les mers, Michel Strogoff, Le Tour du monde en 80 jours ...) Pénétrer, enfant, dans l’univers du grand romancier, c’est s’ouvrir les portes de magnifiques aventures où le rêve et l’approche scientifique se confondent pour nous offrir des moments de lecture inoubliables et qu’on chérira tout au long de sa vie. Si je me suis plongé dans la lecture de Jules Verne aujourd’hui, c’est parce que la Pléiade – fameuse collection de prestige – vient d’ouvrir ses portes au grand Jules avec deux volumes contenant quatre romans de l’écrivain dont Le Sphinx des glaces.
Le Sphinx des glaces est particulièrement remarquable pour plusieurs raisons, non seulement c’est un roman d’aventures et d’exploration comme Verne nous en a donné d’autres, mais surtout parce que l’écrivain s’appuie sur un roman d’Edgar Poe (Les Aventures d’Arthur Gordon Pym) pour en écrire la suite ! Voilà qui n’est pas banal.
Le bouquin de l’écrivain américain parut en 1838 et sera traduit dans notre langue par Charles Baudelaire en 1858. Il s’agit du récit d'un soi-disant authentique voyage de découverte aux confins inexplorés de l'océan Antarctique au bout duquel périt mystérieusement, le héros, Gordon Pym. Jules Verne, admirateur de Poe, partira de ce trouble épilogue, pour construire son propre roman qui paraîtra en 1897.
Aux îles Kerguelen, Jeorling (minéralogiste américain et narrateur du roman) attend l’arrivée de la goélette l’Halbrane pour le ramener chez lui dans le Connecticut. Le capitaine Len Guy commence par refuser de prendre un passager sur son navire avant de changer d’avis brusquement, la veille de son départ, pour une raison apparemment saugrenue, parce qu’il est américain ! La goélette en mer, Jeorling comprend que Len Guy s’imagine que son passager étant américain, il a peut-être connu la famille d’Arthur Gordon Pym et qu’il pourrait l’aider dans la recherche de sa trace. Jeorling qui sait que Pym n’est qu’un personnage de roman, craint que le capitaine ne soit fou, jusqu’à ce que des éléments probants en viennent à le faire changer d’opinion. Dès lors, Jeorling sera le premier à pousser de plus en plus loin dans l’Antarctique la mission de sauvetage de ces hommes qui n’ont que le roman d’Edgar Poe comme pièce de référence pour étayer leurs hypothèses.
Le lecteur se laisse embarquer avec délice dans cette nouvelle aventure concoctée par le maître du genre car on y retrouve tout ce qui fait le charme de ses romans. Une aventure épique, faite de dangers dans des zones inconnues de l’homme ; du mystère, la recherche d’un homme qu’on pensait héros de roman mais qui s’avère laisser des traces tangibles de son exitance ; des sentiments humanistes, car on découvrira au fil de la lecture, que le capitaine de la goélette recherche en fait son frère qui lui commandait le navire qui embarqua Pym, et qu’un des marins de l’Halbrane veut retrouver Pym car il le considère comme son fils… Je passe sur les rebondissements nombreux qui émaillent le récit.
Mais Jules Verne n’est pas qu’un romancier, le lecteur le sait bien, il est aussi un infatigable « passeur » des connaissances scientifiques de son époque. Le texte est truffé des références aux expéditions faites dans ces terres australes par les explorateurs passés. Ce sont aussi des pages de termes de marine, un vocabulaire pointu pour citer toutes les sortes d’icebergs, nommer les espèces animales ou la flore rencontrées en ces parages. Une véritable encyclopédie dissimulée au cœur du roman, révélant parfois des mots rares ou moins usités aujourd’hui.
Bien sûr, l’écrivain n’est pas exempt de tout reproche, on repérera des répétitions ou des redites et le lecteur devra fermer les yeux sur des hasards ou des concours de circonstances favorables à nos héros, Jules Verne avouant même « Cela dépassait les limites du vraisemblable ! » Heureusement, le lecteur est un sage, il sait que « quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende » pour reprendre une formule tirée du film de John Ford L’Homme qui tua Liberty Valance. Et tout le monde s’en régale. Alors n’hésitez pas, ruez-vous sur ce bouquin, ou sur tout autre roman de Jules Verne d’ailleurs, vous ne le regretterez pas.
PS : il faut préciser que le texte est accompagné des reproductions des célèbres illustrations de l’édition originale Hetzel.
« Aurait-on pu imaginer plus terrible dénouement à l’aventureuse campagne de l’Halbrane !... Au milieu de ces extrêmes parages, notre unique moyen de transport venait d’être arraché de son élément naturel, emporté par le basculage d’un iceberg à une hauteur qui dépassait cent pieds !... Oui ! Je le répète, quel dénouement ! De s’engloutir au plus fort d’une tempête, d’être détruit dans une attaque de sauvages, d’être écrasé entre les glaces, ce sont les dangers auxquels s’expose tout navire engagé dans les mers polaires !... Mais que l’Halbrane eût été soulevée par une montagne flottante à l’instant où cette montagne se retournait, et qu’elle fût, à cette heure, échouée presque à sa cime, non ! »
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