Anne Tyler : Le Voyageur malgré lui
25/10/2012
Anne Tyler est une écrivaine américaine née en 1941 à Minneapolis dans le Minnesota, dans une famille de Quakers pacifistes qui déménagea fréquemment avant de s'installer dans une communauté isolée de Raleigh en Caroline du Nord. En 1963 elle épouse un psychiatre pour enfants d'origine iranienne avec qui elle a deux filles et entame sa carrière d'écrivain. Elle obtient le Prix Pulitzer en 1989 pour son roman Leçons de conduite. La romancière habite aujourd'hui à Baltimore, qui sert de cadre à la plupart de ses livres. Le Voyageur malgré lui date de 1985.
Le titre du roman d’Anne Tyler est aussi le nom d’une série de guides touristiques rédigés par son héros Macon Leary. Des guides un peu particuliers puisqu’ils s’adressent aux hommes d’affaires américains comme lui et qui détestent les voyages ! Les fascicules recenseront donc les hôtels, les restaurants et autres lieux où ces exilés retrouveront ce qui ressemble le plus à leur environnement habituel.
Très vite le lecteur s’aperçoit que Macon Leary est un type un peu spécial, assez proche de Monk le personnage central de la série télévisée éponyme. Obsédé par l’ordre et ses habitudes, se complaisant à rester sagement dans le sillon de la vie qu’il s’est imposé, peu enclin à fréquenter le monde qui est toujours source de tracas. Se cramponnant exclusivement à son chien Edward, en souvenir de son fils qui l’adorait.
On pourrait penser que ce trait de caractère est la conséquence d’épreuves antérieures comme l’assassinat de son fils d’une dizaine d’années lors d’un braquage de supérette ou bien sa séparation en cours d’avec sa femme Sarah, mais ses deux frères et sa sœur Rose sont eux aussi atteints par ces troubles obsessionnels. Cet aspect du roman nous vaut d’ailleurs de belles pages très drôles (encore que parfois j’ai ri jaune car j’ai cru me reconnaître !). Macon est donc un homme seul, enfermé volontaire dans un monde qui semble le protéger de l’adversité.
Jusqu’au jour où il rencontrera Muriel, dresseuse de chiens qui s’impose à lui pour régler les problèmes de comportement d’Edward le cabot. Beaucoup plus jeune que Macon, élevant son fils Alexandre seule, elle est l’exact opposé de Macon. Autant l’un vit sa vie sur des rails dont le trajet est tout tracé, autant l’autre est désordonnées, écervelée, futile, exubérante, « Et elle parlait tellement – presque sans interruption. Alors que Macon était cette sorte d’homme qui préfère le silence à la musique ». Plus Macon Leary cherchera à la fuir, plus Muriel tentera de s’incruster dans sa vie.
C’est alors qu’Anne Tyler, avec beaucoup de talent, va nous faire accepter l’improbable, le rapprochement de plus en plus intime entre Elle et Lui, comme une évidence qui même aux yeux de Macon semblera naturelle. Si le roman s’était arrêté là, il aurait été décevant ou trop convenu, un peu comme ces comédies américaines avec Cary Grant et Audrey Hepburn mais Anne Tyler n’en est pas à son premier roman. Sarah, la femme de Macon, va revenir dans la course et leur divorce n’ayant pas encore été officialisé, reprendre sa place d’épouse. La fin du roman, que je vous laisse découvrir, verra Macon devoir faire un choix entre Sarah et Muriel.
Roman psychologique où tous les personnages sont très bien campés. Certains resteront à jamais ce qu’ils sont, d’autres au contraire évolueront au fil de l’histoire, que ce soit Rose la sœur vieille fille qui se mariera ou bien Macon, être torturé à son insu au début du roman mais qui finalement trouvera le moyen de se reconstruire. Pour eux l’avenir n’est pas obligatoirement rose, mais ils vivront enfin une vraie vie.
« Une caractéristique que les quatre enfants Leary avaient en commun était une absence totale du sens de l’orientation. Pour Macon, c’était une sorte de dyslexie, de dyslexie topographique. Aucun d’entre eux ne mettait jamais les pieds dehors sans relever, d’une manière obsessionnelle, tous les points de repère possibles. Ils essayaient de s’accrocher désespérément aux images du quartier qu’ils avaient dans la tête. Chez lui, Macon avait une pile de fiches qui donnaient des indications détaillées pour se rendre chez ses amis – des amis qu’il connaissait parfois depuis des décennies. »
Anne Tyler Le Voyageur malgré lui Stock La Cosmopolite
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