Les liseuses électroniques
27/10/2012
L’arrivée de liseuses électroniques crée débat dans le monde de l’édition, tout autant que dans celui des lecteurs. Certains y voient la mort du livre papier et l’écrivain Jerome Charyn dans un entretien accordé au magazine Lire de novembre déclare « le contexte éditorial a radicalement changé aux Etats-Unis, à cause des e-books. Changé d’une façon dont vous n’avez pas idée, ici, en France, car vous avez encore des librairies. Aux Etats-Unis, il n’y en a quasiment plus. On ne sait même pas de quoi le futur sera fait : y aura-t-il toujours des livres ? Des éditeurs ? De nos jours le livre subit une métamorphose. » Pour sa part, plus optimiste, le philosophe Michel Serres rappelle que « jamais un support nouveau ne détruisit le précédent », d’autres encore prédisent une augmentation du nombre des lecteurs, bref tout et son contraire sont jetés en pâture dans les forums de discussion.
Il faut reconnaître que ces petits appareils, grands comme des livres de poche mais en plus fins et pesant moins de deux cents grammes, pouvant contenir près de 1500 bouquins dans leurs entrailles, affolent les boulimiques de lectures. Les types dans mon genre. Imaginer pouvoir caser une telle somme d’ouvrages dans si peu de place excite l’intérêt, difficile de le nier. Partir en voyage ou en vacances avec toute sa bibliothèque dans sa poche, voilà qui n’est pas banal et montre un progrès certain. Les similitudes avec l’iPod sont flagrantes et je n’avais pas su résister à ses attraits, y enfournant des centaines de morceaux de musique sans jamais réussir à le gaver complètement. Mais les liseuses ?
J’évacue d’emblée le volet économique affectant le secteur du livre, qui n’est pas le moins important loin s’en faut, mais dont je laisse la responsabilité aux acteurs et spécialistes de la question. Je me contenterai modestement, d’aborder le point de vue du lecteur lambda.
On l’a vu précédemment, l’avantage évident des liseuses, c’est la possibilité d’accumuler les livres sans être obligé de déménager, faute de place pour les ranger, ou de pouvoir se déplacer en mode léger, tout en ayant plusieurs volumes dans ses bagages. Autre bon point, l’indexation des mots permet des recherches pointues et l’incorporation d’un dictionnaire dans l’appareil n’est pas mal non plus, il faut être honnête.
Pourtant, pour l’amateur de livres, le plaisir est multiple et la liseuse ne sait pas tous les combler. Les livres ne sont pas que des feuilles de papier reliées entre elles. Chaque collection a son propre papier, dont le grain et l’odeur diffèrent. Il y a de gros livres pesant et de petits ouvrages minces, les uns pouvant devenir les autres grâce aux collections de poche. Il y a de vieux livres qu’on trouve dans les brocantes, ils sont chargés d’histoire car ils sont passés de mains en mains, ils ont beaucoup vécu et en gardent les traces physiques, ils me ravissent car ils ont une âme. Certains sont agréables à regarder, feuilleter et soupeser, d’autres sont mal pratiques à manier et lire. Le livre n’est pas un objet anodin.
Certes le contenu prévaut sur le contenant mais quand on peut allier les deux, le plaisir de la lecture est accru. Tout cela, les liseuses électroniques ne pourront jamais le remplacer. Les bouquins sous forme de fichiers informatiques resteront des textes froids.
Bien entendu pour parfaire mon jugement j’ai testé l’appareil. Je suis allé à la FNAC qui commercialise son propre modèle, la Kobo, mise à disposition des clients en démonstration. J’ai d’abord été épaté par les arguments déjà énoncés (légèreté, facilité d’emploi même si le feuilletage rapide pour retrouver un passage est mal aisé) mais par contre j’ai constaté une sensation étrange et bizarre quand on feuillette les pages grâce à l’écran tactile permettant de les tourner par le même geste du doigt utilisé pour un livre papier. La fraction de temps, infinitésimale, entre le passage d’une page à l’autre, crée une sorte de « trou » de conscience. Il est fort possible qu’à l’usage on puisse s’y habituer, mais ça reste à prouver pour ceux qui lisent beaucoup et vite. Cet inconvénient n’est peut-être pas ressenti par tout le monde, non plus.
La plus grosse déception, ce sont les textes. Sur l’appareil en démonstration, deux romans connus et tombés dans le domaine public, Le Mystère de la chambre jaune et Voyage au centre de la terre. La numérisation était épouvantable ! Mots mal tronqués aux sauts de lignes, absence d’accents sur les lettres, et certains mots étaient reliés entre eux par un underscore (le trait qui se trouve_sous le 8 de votre ordinateur). Mettre de tels textes sur des appareils en démonstration, ça vous dégoûte d’acheter une liseuse. J’imagine que tous les bouquins électroniques ne sont pas dans un tel état, du moins je l’espère …?
Maintenant pour ceux qui seraient intéressés par un tel objet, il faut vérifier les formats de fichiers acceptés par les appareils. Par exemple, la KINDLE vendue par Amazon ne reconnaît que les bouquins au format .azw (distribués par Amazon évidement) ignorant le format ePub, le standard chez les libraires en ligne.
Tous les livres en papier n’existent pas en format électronique et leur prix, bien qu’inférieur n’est pas donné. Exemple, le dernier Philippe Djian (« Oh… ») est vendu 12,99 euros en version électronique et 14,50 euros en version papier sur Amazon…
Voici le classement des meilleures liseuses pour le magazine Micro Hebdo : 1- Sony Reader wi-fi PRS-TI (150 euros) 2- Fnac Kobo (100 euros) 3- Amazon Kindle Touch (130 euros). Ces trois modèles se détachent nettement de la concurrence d’après les tests comparatifs effectués par le journal.
En conclusion, je reconnais l’intérêt de la liseuse électronique et je suis certain que dans les prochaines années elle va devenir de plus en plus performante. Le progrès est en marche et on ne l’arrêtera pas, mais pour moi qui suis de la vieille école je le reconnais volontiers, aujourd’hui, elle ne s’adresse qu’à des lecteurs peu exigeants, c’est-à-dire pour lesquels les livres ne sont que de simples objets, ou bien à ceux qui sont obligés de voyager.
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