Amélie Nothomb : Métaphysique des tubes
07/12/2012
Amélie Nothomb, née en 1967 à Kōbe au Japon, est une écrivaine belge francophone. Elle partage sa vie entre la France et la Belgique. Publiéen 2000, Métaphysique des tubes est son huitième roman.
Dans ce livre autobiographique Amélie Nothomb nous raconte les trois premières années de sa vie qui se déroulèrent au Japon, pays d’affectation temporaire pour son père diplomate. Le roman débute par des considérations sur la nature de Dieu qui ne serait qu’une sorte de tube digestif et il se termine par une constatation réduisant les carpes à de simples tubes digestifs elles aussi, ce qui boucle joliment la boucle.
Entre ces deux extrémités, Amélie Nothomb nous raconte sa courte vie à peine débutée, au passage on pourra s’étonner qu’elle soit aussi chargée mais surtout qu’elle en ait autant de souvenirs si précis. Mais qu’importe, il s’agit d’un roman, donc l’imagination de l’écrivain a toute liberté pour s’exercer à construire à partir d’éléments vécus.
Troisième enfant de la famille avec un frère et une sœur, Nothomb se peint comme un enfant roi/dieu qui à peine entré dans le cercle familial en régente la vie. Nous avons alors droit à de savoureuses pages ironiques sur la relation entre parents et nouveau-né dont l’auteure se sert pour élargir sa réflexion. La découverte de la parole par l’enfant l’amenant à en déduire que ce qui n’est pas nommé, n’existe pas. Là encore, Amélie Nothomb se mettant dans sa propre peau de bébé, nous fait profiter de ses réflexions ou découvertes du monde qui l’entoure et c’est toujours très drôle car le poulot est particulièrement futé pour son âge. Le contraste entre les sujets abordés par le roman, pensées sur la vie, la mort ou les rapports entre les hommes, et l’âge de celle qui en est à l’origine, créé des situations cocasses et fort amusantes.
Au fil des pages nous ferons aussi plus ample connaissance avec sa famille, parents dont le père consul chante le nô, André son frère, Juliette sa sœur, grand-mère venue de Belgique pour un court séjour et qui réussira à la faire parler à deux ans et demi seulement, grâce à un morceau de chocolat blanc, et surtout sa gouvernante japonaise Nishio-san avec laquelle elle nouera une affection profonde et durable.
Bien entendu Amélie Nothomb nous livre quelques passages sur la vie au Japon. Des cerisiers en fleurs aux carpes en passant par l’art du nô, nous touchons de loin l’âme japonaise, mais une fois encore je constate que l’auteure ne s’appesantit pas. Nul ne contestera sa connaissance du pays – elle en parle la langue d’ailleurs – mais jamais je n’ai lu sous sa plume quelque chose de réellement profond sur cette nation.
Une fois encore, on retrouve le style si plaisant d’Amélie Nothomb. Une écriture simple faite de phrases courtes qui ne cherchent pas à en mettre plein la vue, avec un humour sous-jacent très pince-sans-rire, ce qui n’empêche pas de glisser dans le texte quelques remarques pertinentes. Un bouquin très agréable à lire, c’est une évidence.
« … je tenais mon frère pour la pire des nuisances. L’unique ambition de son existence semblait de me persécuter : il y prenait un tel plaisir que c’était pour lui une fin en soi. Quand il m’avait fait enrager pendant des heures, il avait réussi sa journée. Il paraît que tous les grands frères sont ainsi : peut-être faudrait-il les exterminer. »
Amélie Nothomb Métaphysique des tubes Albin Michel
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