Jean-Pierre Chabrol : Les mille et une veillées
09/12/2012
Jean-Pierre Chabrol (1925-2001) est écrivain et scénariste. Tous ceux qui ont eu l’occasion de l’écouter parler, à la radio ou à la télévision, gardent le souvenir d’une grosse voix rocailleuse à l’accent cévenole. Une voix de conteur, de raconteur d’histoires. Ce sont justement ces histoires que l’écrivain a compilé dans Les mille et une veillées, son bouquin paru en 1997.
Installons-nous autour de la cheminée dans laquelle brûlent une bûche ou deux, le conteur bourre sa pipe et se racle la gorge tandis que le chat de la maison se réfugie sur les genoux de sa maîtresse, dehors le vent d’hiver se rue sur les volets. La veillée va commencer.
Dans une courte introduction, Chabrol nous rappelle ce qu’étaient les veillées autrefois, leur rôle dans la vie des habitants des petits villages à une époque où même la télévision n’existait pas. Ensuite, dans plus d’une trentaine de nouvelles, il nous fait découvrir ou redécouvrir c’est selon, ce qu’était l’existence quotidienne dans nos campagnes, qu’il s’agisse de paysans, d’artisans, de prêtres, de soldats de la Grande Guerre revenus de l’horreur. Quelques textes atypiques aussi, comme celui sur des truands réunis autour d’un cassoulet dans un boui-boui, ou bien des histoires relevant du surnaturel à moins que ce ne soit du rêve. Histoires vraies et vécues, histoires inventées de toute pièce, difficile de faire le tri mais pourquoi le faire, d’ailleurs ? L’important étant le plaisir qu’on prend à les lire.
En quelques pages, le conteur dresse un décor, plante des acteurs et nous raconte une histoire extraordinaire. Par son talent narratif Jean-Pierre Chabrol réussit à nous faire croire que nous connaissons les lieux, voire les personnages ou leurs semblables ; nous l’écoutons, les yeux grands ouverts (sic !), nous conter les tribulations des uns et des autres et nous nous intéressons à leurs mésaventures comme s’ils étaient nos voisins ou compères de bistrot. Ces petites gens, ces minuscules tranches de vie, touchent notre inconscient collectif et nous placent en terrain familier.
Des histoires bien torchées dont toutes ont en commun, une chute magistrale. Le livre idéal pour décembre et les mois qui s’annoncent, « car c’est au cœur de l’hiver que la veillée prends son poids » nous prévient le conteur.
« Victorine avait été infirmière pendantla Grande Guerre, elle savait faire les piqûres, c’est dire les services qu’elle rendait continuellement et gratuitement, avec le sourire. – C’était un plaisir de se déculotter devant elle… dit avec un grognement satisfait Lamec-le-Gras. Les mots de Méchin traînent son épaisse salive comme les escargots leur bave ; il chuinte : - Une fois qu’on a baissé sa culotte, quand l’infirmière est de bonne volonté… Le cœur des femmes faisait : « Tsss… tsss… tsss… », ce qui prolongeait parfaitement l’immense crissement des grillons par milliers de cette nuit étoilée… »
Jean-Pierre Chabrol Les mille et une veillées Pocket
Une archive de l’INA consacrée à Jean-Pierre Chabrol – Les conteurs diffusée en 1964 à la télévision
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