David Lodge : Nouvelles du paradis
15/12/2012
David Lodge (David John Lodge) est né en 1935 à Brockley dans le sud de Londres. Universitaire spécialiste de littérature et écrivain britannique, en 1987 il abandonne l'université, avec le titre de Professeur honoraire, afin de se consacrer entièrement à l'écriture. Son roman Nouvelles du paradis est paru en France en 1992.
Tante Ursula, sœur de Jack Walsh, se meurt d’un cancer à Honolulu. Exclue de la famille sur un malentendu depuis de très longues années, à l’heure de sa mort elle réclame la présence de son frère à ses côtés. Bernard, 44 ans, ex-pasteur ayant perdu la foi, va tenter de rapprocher son père, vieil homme bougon, d’Ursula.
L’expédition va s’avérer complexe. Jack n’a jamais pris l’avion et n’a pas l’intention de commencer à son âge avant de céder aux pressions de son fils. Le voyage en avion dure onze heures avec une escale à Los Angeles, David Lodge s’offre alors tout loisir pour nous donner de longs passages jubilatoires sur le tourisme et les touristes. Nous nous reconnaissons tous à travers ces passagers en partance pour le bout du monde pris en charge par une agence de voyage, dans les aéroports, à bord de l’avion longue-distance, à l’arrivée avec le décalage horaire et de température.
L’aventure ne fait que commencer, puisque Jack à peine arrivé à Hawaï, se fait renverser par une voiture qui l’envoie à l’hôpital avec un os cassé pour le reste du séjour. A partir de là, Bernard va faire la navette entre le lit de son père et celui de sa tante, tout en trouvant le temps néanmoins de se retrouver embringué à son corps défendant dans une love affair avec Yolande, la conductrice ayant écrasé son père !
Le roman est dense, car au-delà des péripéties narratives, il aborde des sujets graves et profonds mais toujours avec le ton légèrement ironique ou pince sans rire qu’on connaît chez l’écrivain.
Outre les personnages déjà cités, nous ferons connaissance avec les autres touristes de l’agence de voyage. Leurs joies et leurs peines, leurs motivations, leurs réactions face à la nouveauté quand on voyage à l’étranger, là encore David Lodge s’ouvre un champ de réflexions et de constatations qui amusent le lecteur. Tout ce beau monde se croise et se recroise dans Honolulu, que ce soit sur la plage ou dans les bars des hôtels ou bien sur le bord des piscines où s’agglutinent les touristes gogos, caméscope dégainé en permanence pour ne rien rater.
La famille Walsh, bien qu’ordinaire, permet à l’auteur d’entrer au cœur de son projet et d’être plus profond dans son propos. Bernard, l’ancien prêtre, est prétexte à de longues pages très intéressantes sur la religion catholique et la théologie. Le parcours du fils l’ayant condamné à la chasteté jusque là, sa rencontre avec Yolande va faire sauter les bouchons en tout genre et si l’on rit beaucoup, au fond transpire la tristesse de ces longues années de vie gâchée. De même, la rencontre enfin arrangée entre Ursula et Jack va apaiser une douleur qui les complexait tous deux depuis leur petite enfance et leur avait pourri leur vie d’adulte. Tess, la sœur de Bernard, arrivée in-extrémis à Honolulu va finalement renouer des liens tendres avec son frère. Et le roman s’achève sur une note d’espoir, Bernard et Yolande vont plus ou moins s’engager (mais je vous laisse découvrir comment) vers une vie de couple. Si Bernard a perdu la foi, il a peut-être découvert le paradis…
David Lodge aborde dans ce roman des thèmes qui lui sont chers, comme la religion catholique (voir son roman Thérapie), la sexualité (quasiment un mode d’emploi tendre et hilarant quand Yolande déniaise Bernard), les relations familiales à base de conflits nés de non-dits. Mais toujours, chez Lodge, cette volonté de parler des choses tristes, comme la mort et le deuil, sur un ton qui n’amène pas les larmes mais la réflexion douce amère. Ces Nouvelles du paradis, ne sont peut-être pas son meilleur roman, mais elles valent largement qu’on s’y intéresse.
« La piscine, comme le sait Roger Sheldrake avec toutes les recherches qu’il a faites, n’est pas vraiment prévue pour le bain. Elle est petite et sa forme irrégulière interdit de nager longtemps droit devant soi ; en fait, il est impossible de faire quelques brasses sans se cogner aux bords ou rencontrer un autre baigneur. La piscine a été conçue en réalité pour que les gens viennent s’asseoir ou s’allonger tout autour et commander des boissons. Les clients, ainsi condamnés à de courtes baignades, finissent par avoir très chaud et très soif, et ils commandent beaucoup de boissons qu’on leur apporte avec des cacahuètes salées gracieusement offertes par la direction pour qu’ils aient encore plus soif et commandent d’autres boisons. »
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