Ronaldo Correia de Brito : Le Jour où Otacilio Mendes vit le soleil
27/03/2013
Ronaldo Correia de Brito est né en 1950 dans le Nordeste brésilien. Dramaturge reconnu, il tient une chronique dans la plus importante revue culturelle de la région, Continente, et est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles et romans, comme Le Don du mensonge, Prix São Paulo du meilleur roman 2009. Il réside actuellement à Recife, où il exerce la médecine.
Son recueil de nouvelles Faca, traduit chez nous sous le titre Le Jour où Otacilio Mendes vit le soleil, a reçu un accueil très élogieux de l’ensemble de la presse brésilienne. C’est l’éditeur qui m’a contacté et adressé gracieusement un extrait de quatre nouvelles tirées de cet ouvrage qui en comporte onze. Mon avis ne porte donc que sur ces fragments. J’imagine que cette mise en bouche représente au mieux l’écrivain et/ou que ces nouvelles sont parmi les meilleures du recueil.
Dans L’Attente de l’escadron, le Vieux dont on ne connaît pas le passé précisément, vit seul dans une maison dont portes et fenêtres sont grandes ouvertes, il y soigne et recueille sans poser de question, même ce Chagas, un criminel notoire poursuivi par un escadron de l’armée qui approche. Avec Tourbillon, il s’agit d’une famille qui a perdu son faste, le fils préféré est décédé et l’épouse de l’autre s’est enfuie, pendant ce temps la mère joue du piano sur un instrument délabré. Le texte qui donne son titre au recueil, Le Jour où Otacilio Mendes vit le soleil, nous fait croiser le destin d’Otacilio, marié et père de douze enfants, retranché dans une pièce et menaçant perpétuellement de se donner la mort. Chacun en vient presque à espérer qu’il mette sa menace à exécution plutôt que de rester dans l’attente. Enfin dernier extrait, Le Choix, Aldemora depuis qu’elle a été abandonnée il y a dix-huit ans par Luis, son premier mari brutal, s’est remariée avec le doux Livino. Jusqu’au retour de Luis. Sans conteste possible, c’est cette dernière nouvelle qui m’a le plus emballé.
Derrière une écriture plutôt légère et simple à première vue, se dissimulent des histoires sombres où la mort, passée ou à venir, n’est jamais loin. La construction des nouvelles, faite d’ellipses ou de non-dits crée un climat vaguement mystérieux, intrigant en tout cas, pas toujours compréhensible immédiatement ce qui oblige parfois le lecteur à relire une page antérieure pour en suivre la narration. Là ou d’autres auraient forcé le trait dans le pathos ou le dramatique, l’écrivain brésilien œuvre dans la retenue, soit il nous laisse imaginer soit il n’insiste pas quand sa plume révèle. Enfin, sur ces quatre textes tout du moins, on sent poindre un amour de l’auteur, une indulgence fraternelle, pour ces/ses personnages qui j’imagine, doivent représenter pour lui, un certain Brésil.
« Au cours des dix-huit ans qui s’étaient écoulés avant que Aldenora Novais se retrouve à nouveau face à Luis Silibrino, il ne s’était pas passé un seul jour sans qu’elle cherchât sur son visage les marques du poing fermé. Le miroir ne mentait pas, il montrait ces traces violacées qu’aucun remède de grand-mère n’avait réussi à effacer. Luis n’avait jamais été un homme doux, pas même au cours des effusions de leur brève passion, quand le cœur a des élans de tendresse qui ne se renouvellent pas dans le quotidien du mariage. »
Ronaldo Correia de Brito Le Jour où Otacilio Mendes vit le soleil Chandeigne
Traduction du Portugais (Brésil) d’Emilie Audigier
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