Bohumil Hrabal : La Chevelure sacrifiée
02/04/2013
Bohumil Hrabal (1914-1997) est l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle. Après des études de droit interrompues à partir de 1939 en raison de l’occupation allemande, il exerce des métiers divers, ouvrier, voyageur de commerce, figurant de théâtre, cheminot... Il entre en littérature en 1963 mais après l'invasion soviétique de l'été 1968 qui met fin au Printemps de Prague, il connaît des ennuis avec la censure et est interdit de publication. Il connaitra à nouveau la censure entre 1982 et 1985. Finalement il meurt à Prague le 3 février 1997 en tombant – ou en sautant ? – de la fenêtre de l'hôpital où il est soigné. Son roman La Chevelure sacrifiée date de 1976.
L’action se déroule vers 1920 dans une petite ville de Bohème et c’est Maryska qui nous la conte. Maryska et Francin sont mariés et tiennent une brasserie. Lui, est un homme posé, discret, frugal, très amoureux de sa femme ; elle, est plus jeune de caractère, presque gamine, pleine de vie et d’énergie, « quand je mange, je ne mange pas, je dévore » avoue-t-elle ingénuement, dotée d’une très belle et imposante chevelure, l’un de ses principaux charmes pour Francin, « …ces cheveux dont il était tombé amoureux. » Deux caractères bien différenciés dont Francin a parfois du mal à s’accommoder, sa Maryska ne correspondant pas avec son idée « de la femme convenable ». Le bouquin s’achève sur un caprice de Maryska se faisant couper les cheveux, signe d’un renouveau mais aussi début d’une nouvelle histoire puisque Francin lui promet « Alors ma petite fille, dit-il, on va commencer une nouvelle vie ».
Le roman enchaîne des scènes charmantes sur la vie d’une brasserie ou l’abattage du cochon, puis il y aura l’arrivée inopinée de l’oncle Jo, frère de Francin et cordonnier de son état, et ses frasques avec le personnel de la brasserie. Nous découvrons aussi l’entrée de la modernité dans le petit village, la radio et le gramophone, prétextes à de jolis paragraphes.
Le roman est bien écrit, l’écriture est dense, exubérante, bien rythmée, utilisant un vocabulaire très précis. Je ne sais pas pourquoi, mais la lecture de ce roman m’a fait penser à certains films d’Emir Kusturika. Les scènes se succèdent, mêlant le crédible à l’onirique voire au farfelu, « comme toujours M. Kropàcek était assis dans le side-car et conduisait sa moto d’un pied posé sur le guidon ».
On peut trouver dans ce roman une fraîcheur et une tendresse délicieuse, une certaine poésie, je le comprendrais, mais pour ma part néanmoins, je n’y ai pas trouvé beaucoup d’intérêt. Heureusement le texte n’est pas très long, et ceci compensant cela, on arrive facilement au point final et l’on referme le livre dubitativement.
« … mais encore une fois je ne me suis pas noyée, une seule dame m’a vue, Mme Krsenkà qui était sur un fauteuil roulant depuis dix ans et qui avait des ulcères, c’est elle qui regarda par la fenêtre juste au moment où j’étais en train de tomber et le seul qui accourut fut M. Pokorny, le photographe, il sauta avec son couteau et sa fourchette et sa serviette autour du cou et me tira de l’eau (…) M. Pokorny me menaçait tantôt de sa fourchette, tantôt de son couteau, comme quoi, s’il retrouvait un déjeuner tout froid, il viendrait régler ses comptes avec moi, parce que les petites filles sages, lorsqu’elles ont envie de se noyer, elle le font plus tôt et pas juste à midi lorsque la première oie de la saison est sur la table. »
Bohumil Hrabal La Chevelure sacrifiée Gallimard L’Imaginaire
Traduit du tchèque par Claudia Ancelot
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