Sylvia Plath : La Cloche de détresse
13/04/2013
Sylvia Plath, née en 1932 dans la banlieue de Boston et décédée en 1963 à Londres, est une écrivaine américaine. Elle a principalement écrit des poèmes et un seul roman, La Cloche de détresse, paru en 1963, peu de temps avant son suicide.
Esther Greenwood, dix-neuf ans, est l'une des douze lauréates d'un concours de poésie organisé par un magazine de mode de New York pour y suivre un stage durant l'été. Elle fait la connaissance de Doreen, qu’elle méprise un peu tout en cherchant à lui ressembler et à la suivre lors de ses sorties de réceptions en soirées futiles, elle mène ainsi une vie mondaine à laquelle elle n'était pas habituée.
A son retour chez sa mère, près de Boston, elle apprend qu’elle n’est pas reçue au cours de littérature, avenir qu’elle envisageait. Elle se trouve alors confrontée à un choix de vie, se lancer dans l’étude de la sténodactylo pour avoir un vrai métier, comme sa mère secrétaire le lui suggère fortement, ou bien espérer un mariage et une vie de femme au foyer avec les enfants à éduquer. Elle ne sait quel choix faire car Esther n’est pas de cette espèce et cette alternative n’offre aucune possibilité satisfaisante pour elle. D’où, insomnies et dépression.
Elle consulte alors un psychiatre, qui lui prescrit une thérapie par électrochocs, sans résultats tangibles si ce n’est de la pousser à faire des tentatives de suicide divers, la dernière la conduisant dans une institution psychiatrique où elle se fera de nouveaux amis certes, mais où elle sera encore une fois soumise à un traitement par électrochocs.
On ne peut lire ce roman sans faire le rapprochement avec la vie réelle de Sylvia Plath qui se suicidera après sa parution, car il porte la marque d’une confession ou plus exactement, d’un compte-rendu exact et vécu d’une mort annoncée. C’est en cela qu’il est poignant et émouvant, car le lecteur sait que ce qu’il lit n’est pas une fable ou un habile roman écrit par un écrivain bien documenté. Personnellement, j’ai ressenti l’importance de savoir cela avant d’entamer ma lecture, car sinon on risque de passer à côté de l’aspect tragique du roman. Peut-être est-ce un peu malsain ou voyeur, mais nier ce fait serait mentir et l’on risque de lire cet ouvrage rapidement sans en mesurer toute son ampleur.
Je m’explique, Sylvia Plath a une écriture énergique, pleine de vie oserais-je écrire, ce qui ne colle pas avec l’idée qu’on se fait d’une personne dépressive. Ainsi, si cette histoire n’était vraie ou presque, on aurait du mal à y croire ou s’y intéresser, on pourrait chipoter qu’il s’agit d’une crise d’adolescence pas si originale que cela. Pourtant Esther va entrer en dépression, mais avec tellement de délicatesse, comme sur la pointe des pieds, qu’on ne s’en rend quasiment pas compte.
Son héroïne, Esther Greenwood, fine observatrice, porte des jugements acérés sur ceux qui l’entourent, fait preuve d’un tempérament froid et réfléchi, elle ne manque pas de tonus. Par contre, elle est tiraillée intérieurement entre son envie d’écrire et d’y consacrer sa vie, et ce que lui propose le monde dans lequel elle vit en cette fin des années 50, un boulot de secrétaire ou une place de femme au foyer. Jeune fille mal dans sa peau et en avance sur son temps par sa préfiguration de ce que seront les mouvements féministes à venir, elle n’est jamais à sa place où qu’elle soit et quoi qu’elle fasse. Elle se regarde survivre avec effarement, prise entre plusieurs personnalités, écartelée. « Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n’est qu’un mauvais rêve ».
La fin de l’ouvrage n’en est que plus dramatique et émouvante, Esther Greenwood va peut-être quitter l’établissement psychiatrique où elle est traitée mais nous ne le savons pas réellement, par contre l’avenir de Sylvia Plath est écrit, l’Histoire nous l’a dit.
« Au Japon, ils s’ouvrent les entrailles dès qu’il y a quelque chose qui cloche. Je me suis demandé comment ils font. Ils doivent avoir un couteau très affûté… Non probablement deux couteaux bien aiguisés. Ils doivent s’asseoir en tailleur, un couteau dans chaque main. Puis ils croisent les bras et plantent un couteau de chaque côté de leur ventre. Ils sont nus, parce que sinon les couteaux se coinceraient dans leurs vêtements. D’un seul coup, rapide comme l’éclair, avant d’avoir eu le temps d’y songer à deux fois, ils s’enfoncent les couteaux et découpent un demi-cercle en haut et un demi-cercle en bas ; comme ça, la peau du ventre tombe par terre comme une assiette et recueille leurs boyaux qui tombent dedans, alors, ils meurent. »
Sylvia Plath La Cloche de détresse Gallimard collection L’Imaginaire
Traduit de l’anglais par Michel Persitz
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