Don Carpenter : Sale temps pour les braves
16/04/2013
Don Carpenter (1931-1995) est un écrivain américain, auteur d’une dizaine de romans, de nouvelles et scénarios de film. A la fin des années 80 il est touché par différentes maladies, tuberculose, diabète, glaucome et après plusieurs années de souffrances, il se suicide en 1995. Sale temps pour les braves, son premier roman paru en 1966, a été réédité l’an dernier.
Abandonné dès sa naissance par ses jeunes parents pas très fréquentables durant la crise de 1929, Jack Lewitt atterrit dans un orphelinat de Portland, devient un petit dur et s’enfuit, vivant à la marge, fréquentant des zonards dans son genre. Maison de correction, prison du comté puis prison d’Etat de San Quentin, libération conditionnelle, le parcours classique. Jack bout d’une rage intérieure, ne sachant trop ce qu’il attend de la vie mais sachant « que ce qu’il désirait par-dessus tout était la liberté ».
Un épisode important dans la vie de Jack va avoir lieu à San Quentin quand il y retrouvera Billy Lancing, un Black champion de billard, connu quelques années plus tôt dans les tripots de Portland. La captivité étant théoriquement synonyme d’abstinence, Jack va finir par accepter contre sa volonté, des rapports hygiéniques avec Billy, lequel lui avouera son amour et sacrifiera sa vie pour le sauver, ce qui poussera Jack à s’interroger sur ses sentiments pour cet homme et plus tard à nommer son fils, Billy.
Après maintes épreuves et dérives qui l’emmèneront de Portland à San Francisco, Jack se risque au mariage. Sally ne manque pas de caractère, elle semble avoir du fric, fréquente du beau monde et déborde d’énergie sexuelle. Ils s’aiment, mais le mariage est une prison pour eux deux que même un bébé ne saura compenser, de plus leurs moyens financiers sont au plus bas car l’argent de Sally provenait de sa pension alimentaire versée par son premier mari.
Un roman absolument magnifique servi par l’écriture calme et apaisée de Don Carpenter, où jamais l’écrivain ne cherchera à accabler ou juger tel ou tel. Les faits s’enchaînent, inexorables, et si au début du bouquin on s’agace de ces petites frappes, on finit par s’attacher à Jack. Sa quête d’une autre vie, même si elle n’est pas motivée par des choix entre Bien et Mal, notions qui lui sont étrangères, s’avère pathétique. Que veut-il ? Lui-même n’en sait rien, « S’il n’avait envie de rien, alors il pouvait tout aussi bien mourir. »
La description des lieux et des situations est précise et parfaitement crédible, comme vécue, que ce soit le milieu carcéral avec son organisation interne en microsociété aux ordres d’un caïd, situation qui arrange autant les détenus que les matons, ou bien les casinos de Las Vegas, le monde du cinéma à Hollywood, ou bien plus prosaïquement, le travail dans une boulangerie. Don Carpenter est à l’aise partout.
Un bouquin extraordinaire surtout, parce qu’il brasse tous les grands thèmes, haine et amour, mort et naissance, riches et pauvres, Blancs et Noirs, sexe sans tabous, homosexualité, prison, mariage… N’en jetez plus, la cour est pleine.
« Etait-il taillé pour braquer des débits de boisson ? Il était venu en ville pour réfléchir, et une fois de plus, on lui proposait une solution qui excluait toute réflexion – tout cela semblait d’un ennui infini ; une série illimitée de hold-up, des fêtes, des filles, des bouffes dégueues, des chambres d’hôtel toujours plus miteuses – il ne voyait pas la différence entre ça et gagner sa vie en travaillant, et au moins, avec un boulot, il n’avait pas à se faire du mouron d’être pris par la police. »
Don Carpenter Sale temps pour les braves Editions Cambourakis
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy
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