David Vann : Impurs
03/05/2013
David Vann, né en 1966 en Alaska est un écrivain américain qui enseigne à l’Université de San Francisco. Son premier roman paru en France, Sukkwan Island, date de 2010, il sera suivi un an plus tard par Désolations et en 2013 l’écrivain publie Impurs.
Au milieu des années 80, dans la maison familiale au cœur de la Vallée Centrale de Californie, Galen jeune homme de 22 ans adepte de philosophie New Age, vit seul avec sa mère Suzie. Leur retraite n’étant perturbée que par les visites d’Helen, la sœur de Suzie, et de sa fille de 17 ans, Jennifer.
Immédiatement le lecteur comprend que l’harmonie ne règne pas vraiment au sein de cette petite famille. Les deux femmes ne se supportent pas, Helen reprochant à sa sœur d’avoir trop d’emprise sur leur mère, placée dans une maison de retraite parce qu’elle perd la mémoire, et de bloquer l’utilisation de l’argent de l’aïeule. Cet antagonisme retombe sur les enfants car sans moyens financiers, ils ne peuvent poursuivre leurs études. De son côté, aveugle et sourde au présent, Suzie tente de maintenir une vie idéalisée, celle d’une famille unie, ce qu’elle n’est plus et n’a jamais été, en vérité. Quant à Jennifer, une coquine plutôt délurée - « She was just seventeen / You know what I mean » - elle en fait baver des ronds de chapeau à Galen avant de le dépuceler. Galen, personnage central du roman, qui va péter les plombs et faire imploser ce noyau familial fictif en une apothéose tragique.
Ceux qui ont lu les deux précédents romans de l’écrivain seront surpris par deux points. Le premier d’ordre géographique, nous ne sommes plus dans les froidures de l’Alaska, mais au soleil et même en plein cagnard californien. Second étonnement, l’apparition d’une dimension sexuelle, inexistante dans Sukkwand Island, affleurant dans Désolations mais carrément torride, ici. Soleil oblige ?
Par contre, le lecteur retrouvera dans ce roman, la touche distinctive de David Vann, sa spécialité pour ainsi dire, artificier en chef du dezingage de l’institution familiale. Et il y va fort. Le grand-père qui certainement tabassait les siens, la haine entre les deux sœurs, la mère qui s’accapare au point de l’étouffer un fils « en guise d’époux afin de punir un père », le fils donc, devenu taré à force de pratiques New Age et masturbations compulsives, et sa cousine allumeuse de première ! Bien entendu l’auteur ne se gênera pas pour châtier, ne lésinant pas sur les moyens.
Il y avait donc matière à se réjouir, si l’on peut dire, ou du moins à se régaler d’un bon bouquin. Je dois avouer que je n’ai pas été convaincu. Si le fond est extrêmement fort et puissant, la forme m’a laissé indifférent ou presque. La première moitié du livre fait vivre tous les personnages et, connaissant David Vann, on les suit en attendant d’en venir au fait, par contre la seconde partie, l’affrontement entre la mère et le fils, genre règlement de compte à OK corral, m’a laissé sur ma faim. Je n’ai pas trouvé son traitement convainquant, l’angle psychologique m’a semblé faible, mal servi par des dialogues peu crédibles et ce pauvre Galen, dont à chaque page on a l’impression d’entendre le cerveau faire « floc ! floc ! », coincé entre ses croyances New Age pas très affirmées faites de bric et de broc, sa confusion totale et sa propre constatation affligeante « Aucune de ses résolutions ne durait jamais ».
Bref, cette dernière partie du livre, sensée être une apothéose, m’a laissé complètement froid ce qui bien évidemment, retire beaucoup à ce que j’attendais de ce roman.
« Puis une chose curieuse se produisit. Tout le monde détourna le regard. Personne ne dit rien ni ne réagit au fait que sa tante venait de le frapper du poing. Sa grand-mère fredonnait pour elle-même, les yeux baissés sur ses genoux, et sa mère mangeait. Jennifer avait croisé les bras et baissait les yeux, elle aussi. Sa tante avait recommencé à manger. Et Galen se rendit compte qu’il avait été frappé pour la première fois de sa vie, mais que, dans la pièce, toutes avaient dû être frappées de nombreuses fois. Ou dans le cas de sa mère, n’avait été que simple témoin, mais témoin de nombreuses fois. »
Traduit de l’américain par Laura Derajinski
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