Philippe Delerm : Autumn
13/05/2013
Philippe Delerm écrivain français né en 1950, réside depuis 1975 en Normandie, en compagnie de son épouse Martine, illustratrice de littérature jeunesse, avec laquelle il a eu un fils, Vincent Delerm, auteur-compositeur-interprète. Il est l'auteur de divers recueils de poèmes en prose ainsi que du fameux La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules qui connut un immense succès en 1997. Son roman Autumn a été publié en 1988 et a obtenu le prix Alain Fournier en 1990.
Le roman se déroule entre 1850 et 1869 dans l’Angleterre de l’époque victorienne. De jeunes peintres épris d’art absolu, Dante Gabriel Rossetti et John Everett Millais, créent avec quelques autres collègues un mouvement artistique, La Confrérie préraphaélite.
Mais trop idéaliste ou romantique, Rossetti va s’éloigner du groupe, frappé par une forte dépression lorsque son épouse, Elizabeth Siddal, meurt d'une overdose de laudanum. Dans le même temps, n'arrivant pas à faire publier ses propres poèmes, il les enterre dans la tombe de son épouse. Mais c'est aussi pendant cette période qu'il s’acharne à peindre une toile dans laquelle il idéalise, sous les traits de son épouse décédée, la Béatrice de Dante. Il multiplie les portraits de femmes, notamment Fanny Cornforth, une prostituée dont il est tombé amoureux, mais aussi Jane Burden l'épouse de William Morris, avec laquelle il a une liaison.
Philippe Delerm a trouvé le ton et le style pour nous conter ces histoires d’amours impossibles et tragiques où les acteurs sont peintres et poètes, écartelés entre leur recherche d’un art absolu et la réalité de leur époque, entre la femme idéale et le modèle. Histoires d’amours, mais occasion aussi pour l’auteur de nous faire entrer dans l’esprit de ces artistes et toucher un peu du doigt, le sens de la création.
Une écriture extrêmement léchée, presque des vers en prose avec ce je ne sais quoi dans le rythme de la phrase qui renvoie le lecteur aux auteurs du XIXe siècle. Le vocabulaire est une débauche de termes liés aux chaudes couleurs de l’automne, faisant de la page écrite un pendant fort réussi aux peintures qui sont au centre de l’ouvrage, au point qu’on s’interroge, l’écrivain a-t-il trempé sa plume dans l’encre ou dans la gouache ?
S’il s’agit bien d’un roman, tous les personnages ont réellement existé et outre ceux déjà cités, le lecteur côtoie aussi John Ruskin le célèbre critique d’art, Lewis Carroll et son Alice ou bien Swinburne le poète. Du bien beau monde à l’affiche de ce délicieux roman qui remet à l’honneur, le goût de la phrase bien tournée.
« Lizzie, notre route est bien différente. Nous avons choisi d’autres voies, d’autres saisons de vie, où la beauté a gardé son mystère. L’hiver ne nous est rien qu’une abstraction tout juste supportable. Nous détestons ce qui commence, la vulgarité des bourgeons gluants, les cris suraigus des enfants inutiles. L’été nous plaît, parfois, mais il y a trop de plaisir méridien absurdement offert, sans l’ombre d’un secret. Quand de l’ambre et de l’or viennent cristalliser dans les sous-bois le début de ce qui finit, notre religion commence. Le végétal devient l’église solitaire où nous prions le vent de souffler vers un ailleurs, enfin, une autre rive, un rêve différent. L’automne est la seule saison. Qu’il nous revienne, et se prolonge. »
Philippe Delerm Autumn Editions du Rocher
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