Emile Zola : Pot-Bouille
16/05/2013
Émile François Zola (1840-1902) écrivain et journaliste, est considéré comme le chef de file du naturalisme. C’est l'un des romanciers français les plus populaires, l'un des plus publiés, traduits et commentés au monde. Sur le plan littéraire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, fresque romanesque en vingt volumes dépeignant la société française sous le Second Empire et qui met en scène la trajectoire de la famille Rougon-Macquart à travers ses différentes générations. Les dernières années de sa vie sont marquées par son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L'Aurore, de l'article intitulé « J’Accuse…! » qui lui a valu un procès pour diffamation et un exil à Londres. Le roman Pot-Bouille publié en 1882 est le dixième de la série Les Rougon-Macquart.
Dans les notes et variantes de l’édition de la Pléiade, on peut lire que le terme pot-bouille désignait dans la langue populaire du XIXe siècle, la cuisine ordinaire des ménages. Par extension, Emile Zola en a fait « la marmite où mijotent toutes les pourritures de la famille et tous les relâchements de la morale.» Le ton de l’ouvrage est donné !
Octave Mouret, jeune homme monté de Marseille à Paris, loge chez les Campardon des amis de sa famille (Achille architecte, Rose sa femme et Angèle la fille adolescente) qui lui ont trouvé un emploi chez les Hédouin (Charles et Caroline) lesquels dirigent le petit magasin Au Bonheur des Dames. A peine installé, Octave qui ne manque pas d’ambitions, cherche une femme à conquérir pour faire son entrée dans le monde.
Il tentera sa chance avec Valérie Vabre, femme névrosée de Théophile Vabre, le second fils du propriétaire de l’immeuble, puis avec Marie Pichon une petite femme simple et discrète épouse de Jules, employé au ministère. Mais sa grande affaire aura lieu avec Caroline Hédouin. D’abord repoussé, Octave par dépit quitte sa place au magasin et s’installe chez Berthe et Auguste Vabre, fils aîné du propriétaire. Il séduira Berthe un temps, mais quand le roman s’achève deux ans après son arrivée à Paris, Octave épouse Caroline Hédouin, devenue veuve entretemps. Un mariage de raison qui arrange Caroline, elle a besoin d’un homme pour la seconder dans la gestion du magasin, mais qui n’est pas une mauvaise affaire pour Octave qui pourra développer ses idées de management et faire du Bonheur des Dames l’ancêtre de nos Grands Magasins et le sujet du roman suivant de l’écrivain.
Si Octave est le personnage principal, l’immeuble de la rue de Choiseul où se déroule l’intrigue, est une vaste ruche que Zola examine à la loupe, tel un Jean-Henri Fabre et le lecteur se régale. Comme chez les abeilles chacun a sa place et son rôle, du concierge qui prend de grands airs et le parti des locataires bourgeois contre la valetaille et le petit monde des bonnes qui vivent une vie à part en parallèle.
Une fois encore Zola oppose les deux mondes. Les bourgeois qui misent tout sur les apparences et les convenances, n’ayant que le mot « moralité » à la bouche mais qui en fait passent leur temps en turpitudes en tout genre ; les hommes trompent leurs femmes, les femmes cherchent des maris fortunés pour leurs filles. Tant que les choses se passent discrètement, l’hypocrisie est acceptée dans les beaux étages. De leur côté les bonnes, exploitées et corvéables à merci, sont au courant de toutes les magouilles de leurs maîtres et s’en gaussent dans leur dos ; elles vivent dans de misérables chambres sous les toits et leur royaume, la cuisine du logement de leur patron donne sur une cour intérieure où elles s’interpellent les unes les autres, s’échangeant les potins et les insultes.
Emile Zola ouvre des portes qui devaient restées closes, met le nez du lecteur dans des pots nauséabonds et prouve à tous que ce beau monde bourgeois n’est guère reluisant, marqué du vice et de la mesquinerie. Dire que ce roman est à lire ou relire est une évidence.
« Cependant le malaise de l’adultère persistait, insensible pour les gens sans éducation, mais désagréable aux personnes d’une moralité raffinée. Auguste s’obstinait à ne pas reprendre sa femme, et tant que Berthe demeurerait chez ses parents, le scandale ne serait pas effacé, il en resterait une trace matérielle. Aucun locataire, du reste, ne racontait publiquement la véritable histoire, qui aurait gêné tout le monde ; d’un commun accord, sans même s’être entendu, on avait décidé que les difficultés entre Auguste et Berthe venaient des dix mille francs, d’une simple querelle d’argent : c’était beaucoup plus propre. On pouvait dès lors, en parler devant les demoiselles. »
Emile Zola Pot-Bouille Le Livre de Poche
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