Jean-Christophe Rufin : Immortelle randonnée
06/06/2013
Jean-Christophe Rufin, né en 1952, est un médecin, historien, voyageur, écrivain et diplomate français. Il a été élu en 2008 à l'Académie française dont il devient alors le plus jeune membre. Ancien président d'Action contre la faim, il a été ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie.
Le dernier ouvrage de Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée, est aussi sous-titré Compostelle malgré moi car si l’écrivain s’est bien lancé dans ce long pèlerinage de huit cents kilomètres à pied entre Hendaye et Saint-Jacques de Compostelle, il avoue ne pas très bien savoir pourquoi.
Si le pèlerinage fait beaucoup marcher, il fait aussi beaucoup écrire et ce texte n’est ni le premier, ni le dernier consacré au sujet. Chaque pèlerin vit une expérience personnelle, religieuse ou non, et chaque livre en restitue cette vérité partiale mais ici comme ailleurs on retrouve des éléments communs à tous ceux qui se sont lancés dans cette aventure. Il y est question de la credencial, ce passeport que le Jacquet (le pèlerin en route vers Compostelle) doit faire composter à chaque étape afin d’obtenir arrivé au terme de son voyage, le certificat attestant de son pèlerinage, des chaussettes qui sèchent le soir au gîte, des dortoirs odorants où ça ronfle, de la pluie qui tombe, du soleil qui vous cuit et des rencontres faites tout au long du chemin et qui en font l’une des saveurs. L’écrivain marcheur évoque la beauté des paysages comme la laideur affligeante des zones périurbaines, les petites chapelles abandonnées et l’aspect bling-bling du Compostelle mercantile. Un chemin que Jean-Christophe Rufin s’est voulu le plus solitaire possible, empruntant pour ce faire, la route la plus au nord qui passe par Bilbao, Santander, Gijón, Oviedo, Lugo et enfin Saint-Jacques de Compostelle.
Au sortir de ce périple le lecteur reste néanmoins légèrement déçu, l’écrivain trop pudique nous laisse dans l’attente non satisfaite. Pas assez de détails terre-à-terre sur la souffrance physique et ses aspects corollaires physiologiques, pas assez de profondeur dans la réflexion spirituelle ; tout cela est évoqué certes, mais sans ostentation et en termes humbles, un peu lénifiants. L’auteur n’est d’ailleurs pas dupe puisqu’il écrit « Je ne sais pas expliquer en quoi le Chemin agit et ce qu’il représente vraiment. Je sais seulement qu’il est vivant et qu’on ne peut rien en raconter sauf le tout, comme je m’y suis employé. Mais, même comme cela, l’essentiel manque et je le sais. » Et de conclure qu’il reprendra la route.
Sur le même sujet, j’avoue avoir préféré le bouquin d’Alix de Saint-André, En avant route, plus enjoué et concret. Deux écrivains au caractère bien différent qui à partir d’un même sujet, tirent deux livres diamétralement opposés, c’est cela aussi la littérature.
« Le marcheur se retrouve lui-même avec émotion comme s’il rencontrait soudain une vieille connaissance. Projeté dans l’inconnu, l’ailleurs, le vide, le lent, le monotone, l’interminable, il laisse sa pensée se blottir dans l’intimité d’elle-même. Tout devient exaltant et beau : les souvenirs, les projets, les idées. On se surprend à rire tout seul. D’étranges mimiques se forment sur le visage qui ne sont destinées à personne puisqu’on a pour seule compagnie les arbres et les poteaux télégraphiques. Le pas, c’est bien connu, agit sur la pensée comme un vilebrequin : il l’ébranle, la met en route, reçoit en retour son énergie. On avance à l’allure de ses songes et, quand ils sont lancés à plein régime, on court presque. »
Jean-Christophe Rufin Immortelle randonnée Editions Guérin
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