William G. Tapply : Dérive sanglante
09/06/2013
William G. Tapply (1940-2009) est l’auteur d’une vingtaine de romans policiers et il collaborait régulièrement à des magazines de pêche américains. Il a enseigné la littérature à Clark University et vivait à Hancock, dans le New Hampshire. Il est décédé en juillet 2009 d’une leucémie. Dérive sanglante qui date de 2004, est sorti chez nous en 2007.
Ce polar introduit un nouveau héros dans la bibliographie de l’auteur, Stoney Calhoun, que le décès prématuré de l’écrivain nous interdira de connaître mieux, puisque seuls trois volumes en constituent la saga inachevée.
Stoney Calhoun vit tranquillement dans sa cabane, construite de ses propres mains dans une forêt du Maine proche de Portland. Il partage son temps entre la confection de mouches et le job de guide de pêche, pour le compte de Kate propriétaire d’une boutique d’articles de pêche dans un bled et accessoirement sa maîtresse. Lyle, un jeune étudiant ami de Calhoun, donne un coup de main à l’affaire. Un jour, un homme âgé se présente à la boutique en quête d’un guide, Calhoun le confie à Lyle pour la journée. On ne retrouvera Lyle que mort, tué d’une balle, dans une mare à truites, quant au vieil homme, il s’est volatilisé. Culpabilisé par la mort de son ami et comme poussé par une force intérieure, Calhoun va tenter de comprendre ce qui a pu se passer.
Le roman se déroule sur deux plans, voire deux enquêtes. La première consistant à élucider le mystère de ce meurtre, la seconde à découvrir Calhoun. L’action se déroule dans un bled, tout le monde se connaît et comme dans toutes les campagnes du monde, vous pouvez vous croire seul en pleine nature, il y a toujours un paysan qui vous voit et les ragots qu’ici, on appelle informations, sont répétés dans l’épicerie locale, centre de ce petit monde. Aux côtés de Calhoun, le shérif et Millie qui gère l’agence immobilière du coin, participent à l’enquête. Des investigations provinciales, sans que ce soit péjoratif sous ma plume, au contraire, mais qui signifient que l’action est plutôt lente. En tout cas bien menée, sans que le lecteur n’en devine l’issue avant l’heure choisie par l’écrivain. Un bon point pour un polar.
Mais il y a une seconde enquête, beaucoup plus intrigante car on n’en connaitra pas la fin, consistant à savoir qui est réellement ce Stoney Calhoun ? Il a un peu moins de quarante ans et suite a un accident en montagne, il s’est pris la foudre, a fait un séjour de dix-huit mois en hôpital avant d’en ressortir avec une pension substantielle pour le reste de ses jours. Frappé d’amnésie, son passé lui est inconnu mais parfois, des images lui reviennent sans qu’il en comprenne le sens exact. Par contre, il possède une mémoire récente exceptionnelle qui lui permet de reconstituer des scènes a postériori. Lors de l’enquête qu’il mène pour retrouver l’assassin de Lyle, des réflexes qu’il s’ignorait posséder ou des actes dont il ne se croyait pas capables vont le troubler. Sachez aussi, qu’un mystérieux Homme en Costume, vient régulièrement le voir dans sa cabane, soi-disant envoyé par l’hôpital, pour s’enquérir de l’état de ses souvenirs… Stoney Calhoun aurait-il été membre de la police ou de l’armée dans le passé ?
J’ai beaucoup aimé ce roman que je trouve très à l’image de son auteur, au vu des photos de l’écrivain trouvées sur internet. Une bonne bouille pour un chouette bouquin. Le monde de la pêche en rivière en toile de fond, le Maine pour les décors et des personnages très attachants dont ce cher Stoney que je vais m’empresser de mieux connaître au plus vite. William G. Tapply est pêcheur, mais il lui sera plus facilement pardonné puisqu’il aime Thoreau (les forêts du Maine) et Emerson (le chien de Calhoun s’appelle Ralph Waldo)…
« Lorsqu’elle lui demanda ce qu’il se rappelait, il essaya de lui décrire les crevasses dans son esprit, ces curieux moments de clarté qui lui venaient parfois, les êtres qui entraient et sortaient furtivement dans sa tête, des gens connus et oubliés qui surgissaient brusquement dans ses pensées. Il lui raconta ses rêves, qui sortaient à coup sûr de ce qu’il appelait sa « Mémoire des Jours d’Avant », d’avant les dix milles volts qui l’avaient pris pour cible sur une montagne, Dieu sait où. Il ne mentionna pas les fantômes qui l’abordaient alors qu’il était éveillé, les corps nus qui apparaissaient dans les rivières et dans les bois lorsqu’il avait les yeux ouverts, et qui semblaient encore réels après leur disparition. »
William G. Tapply Dérive sanglante Gallmeister
Traduit de l’américain par Camille Fort-Cantoni
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