Katarina Mazetti : Le Caveau de famille
25/07/2013
Katarina Mazetti, née en 1944, est une journaliste et écrivaine suédoise. Après des études de journalisme, elle débute dans des journaux locaux puis reprend ses études et obtient une maîtrise de littérature et d’anglais à l’Université de Lund. Elle travaille alors comme professeur puis comme producteur et journaliste à la Radio suédoise. Elle a écrit des livres pour tous les âges, ainsi que des critiques littéraires, des chansons, des comédies et des chroniques pour des journaux et la radio. Son premier roman pour adultes paru en 1999 (en France en 2006), Le Mec de la tombe d'à côté, se base sur son expérience de femme de paysan et sera un énorme succès international. Le Caveau de famille paru en 2011 en est la suite.
Nous retrouvons donc Benny le fermier et Désirée la bibliothécaire, le rat des champs et la rate des villes. Nous les avions quittés alors que leur couple ne tenait plus et qu’ils s’étaient séparés mais c’est aussi le moment où Désirée recontacta Benny pour lui demander de lui faire un enfant ! Trois tentatives, pas une de plus, pour concrétiser et après quelque soit le résultat, bye ! bye ! Chacun reprend sa vie. Bien entendu ce rapprochement contractuel renouera le fil rompu et nos deux héros se retrouvent en couple pour la grande aventure. Il y aura trois enfants, un mariage, un avortement, des larmes, des accidents corporels…
Si Katarina Mazetti a conservé en surface, le même ton que celui adopté pour le premier opus, un humour mélancolique, et la forme faite de chapitres alternant la vision des situations par l’une ou l’autre, le fond est beaucoup plus dur et noir. Elle réussit ainsi à nous fourguer un roman très sombre et grinçant en le parant de couleurs « seulement » grises.
Le lecteur est aux premières loges pour assister à cette métamorphose hasardeuse, le moment où un couple de célibataires amoureux se transforme en une famille avec enfants. Et là, ça ne rigole plus du tout. Benny s’occupe de ses vaches du matin au soir, sept jours sur sept, une vie rude et exigeante qu’il a toujours connue auprès de ses parents. Désirée torche les mômes, prépare la soupe, fait la lessive et bosse à la bibliothèque en ville pour mettre du beurre dans les épinards. Epuisés de fatigue tous les deux, chacun demandant à l’autre de faire des efforts pour le seconder dans ses tâches, leur vie devient un enfer. Surtout quand on ne peut plus communiquer. L’enfer c’est l’autre. Mais d’ailleurs, ont-ils jamais réussi à se parler réellement ?
Il est certain que Benny ne mesure pas bien l’ampleur des tâches accomplies par sa femme, mauvais point pour lui, mais Désirée n’a sûrement jamais été faite pour vivre à la ferme, mauvais point pour elle. L’amour et les bonnes intentions n’y font rien, le temps fait son œuvre et ronge littéralement les fondations du couple. Constat cruel.
Katarina Mazetti sous ses airs de ne pas y toucher, dézingue à tout vat, la vie de famille, l’image du mari traditionnel suédois égalitaire, la vie au bureau, l’avenir compromis des fermiers. De quoi donner des suées d’angoisse aux jeunes lecteurs sur le point de convoler et faire grincer des dents ceux qui sont déjà dans ce pétrin.
« Anita leur avait soigneusement construit un foyer et elle y avait vécu en paix jusqu’à ce que je débarque avec ma lubie d’avoir un enfant avec son homme. Et était arrivé ce qui était arrivé. J’avais pulvérisé toute son existence et j’ai senti qu’un jour j’aurais à en payer le prix. »
Katarina Mazetti Le Caveau de famille Gaïa Editions
Traduit du suédois par Lena Grumbach
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