Katharina Hagena : Le Goût des pépins de pomme
30/07/2013
Katharina Hagena, linguiste et auteur allemande née en 1967 à Karlsruhe, est une spécialiste de l'œuvre de Joyce. Elle a enseigné la littérature anglaise et allemande au Trinity College à Dublin, et à l'Université de Hambourg, où elle vit toujours avec sa famille. Son roman, Le Goût des pépins de pomme, est paru en 2010.
A la mort de Bertha, ses trois filles, Inga, Harriet et Christa, ainsi que sa petite-fille Iris, enfant de Christa et narratrice du roman, se retrouvent dans leur maison de famille, à Bootshaven, un petit village du nord de l'Allemagne, pour la lecture du testament. A sa grande surprise, Iris hérite de la maison et doit décider en quelques jours de ce qu'elle va en faire. Bibliothécaire à Fribourg, elle n'envisage pas, dans un premier temps, de la conserver.
Durant les quelques jours de congés qu’elle s’accorde pour régler la succession, elle va redécouvrir cette maison et ce jardin où elle a passé son enfance ainsi que la campagne riche en lieux d’amusement pour les trois amies qu’étaient Iris, Rosemarie sa cousine et Mira une voisine. Lentement, les souvenirs vont remonter par bribes à sa mémoire. Entre chaque maille, des trous qu’Iris va devoir combler, parfois avec mélancolie, parfois avec douleur, au risque aussi de déclencher des interrogations aux réponses incertaines.
Ce vieux monsieur Lexow qui a entretenu la maison ces dernières années, a-t-il été l’amant de Bertha et le père biologique de sa tante Inga ? Et son grand-père, quel était son rôle durant la guerre, était-il un nazi ? Comment est décédée exactement sa cousine Rosemarie, fille d’Harriet, alors qu’elle n’avait qu’une quinzaine d’années ? Tous les acteurs du roman vont laisser transpirer des secrets enfouis, plus ou moins avouables, comme dans de nombreuses familles. Acteurs, mais plutôt actrices, car dans ce roman les hommes ne sont pas des figures très fortes, à peine esquissés, juste des seconds rôles ou des faire-valoir.
C’est à ce travail d’enquête dans les mémoires que Katharina Hagena nous convie. Nous suivons pas à pas Iris dans ce dépoussiérage des souvenirs. Son écriture toute de tact et de retenue (jamais le mot Alzheimer n’est évoqué pour Bertha), ses phrases bien rythmées, instaurent une sérénité et une douceur mélancolique. L’écrivain joue aussi avec le lecteur, par des ellipses, les situations disent ce que les mots nous taisaient. Le récit sait être émouvant et tendre, mystérieux un peu quand plane une interrogation mais aussi – disons-le - nunuche (la scène du vélo et du pot de peinture) voire rocambolesque (dixit la quatrième de couverture !) dans les péripéties évoquées. Heureusement ces défauts sont mineurs et n’altèrent pas l’ensemble.
« Monsieur Lexow ne donna évidemment aucun détail sur les caresses qui furent échangées sous le pommier et je lui en sus gré, mais les paroles qu’il prononça à voix basse et cependant avec une certaine véhémence, les yeux toujours fixés sur son gobelet, suscitèrent en moi des images qui me parurent familières, à croire qu’on m’avait déjà raconté quelque chose de semblable autrefois, à croire que j’avais déjà entendu ces paroles enfant, peut-être à l’occasion d’une conversation entre adultes que j’avais pu suivre à leur insu, d’une cachette proche, et que je comprenais seulement maintenant. »
Katharina Hagena Le Goût des pépins de pomme Editions Anne Carrière
Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss
2 commentaires
J'avais eu un avis mitigé à l'époque : http://www.lecturissime.com/article-le-gout-des-pepins-de-pomme-de-katharina-hagena-55187008.html
il m'a manqué un petit quelque chose...
Hélène, votre avis développé sur votre blog, devrait intéresser nos futurs lecteurs. Je suis d’accord avec vous sur les réserves émises concernant « la bluette sentimentale » et de mon côté j’avais relevé des passages nunuches ou rocambolesques. Ces défauts montrent qu’il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre, mais globalement je me suis laissé prendre à ce texte au ton dégageant un calme reposant.
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