Jo Nesbo : L’Etoile du diable
07/09/2013
Jo Nesbo est un écrivain norvégien de romans policiers né en 1960 à Oslo. Il a d'abord été journaliste économique puis s'est dirigé vers la musique. Il est connu pour sa participation essentielle dans le groupe de pop Di Derre, l'un des plus célèbres en Norvège de 1993 à 1998. Son premier roman, L'Homme chauve-souris (1997), a tout de suite remporté un grand succès. Il a obtenu l'année suivante le prix du meilleur roman policier scandinave de l'année, ce qui l'a propulsé sur le devant de la scène littéraire du polar scandinave. Le bruit court que son roman, Le Bonhomme de neige, devrait être porté à l'écran par Martin Scorsese lui-même ! Son bouquin, L’Etoile du diable, est paru en 2006 chez nous.
Eté de canicule à Oslo. Des cadavres de femmes sont retrouvés mutilés selon un rituel invariable, un doigt sectionné et à proximité, un diamant rouge taillé en forme d’étoile et un pentagramme, un symbole occulte connu sous le nom d’« Etoile du diable ». Un tueur en série se balade dans les rues de la capitale norvégienne, du moins est-ce la piste suivie dans un premier temps par la police.
Les auteurs de polars se créent souvent un héros, personnage qui reviendra dans tous leurs romans, créant un intérêt et une empathie avec les lecteurs, chaque bouquin devenant l’épisode indépendant ou pas, d’une série policière comme à la télé. Jo Nesbo n’échappe pas à cette règle convenue et son héros se nomme Harry Hole, inspecteur de police. Autres paradoxes étonnants de ce genre littéraire, tous les polars sont construits de la même manière, tous les héros récurrents se trimballent les mêmes défauts ou tares psychologiques, les intrigues sont même parfois très approchantes, et pourtant nous lecteurs arrivons à distinguer de bons et de mauvais auteurs ! Un mystère digne du polar ou du thriller qui n’a pas encore été écrit…
Harry Hole n’échappe pas à la règle, et s’il s’en distinguait je parie que nous serions déçus. Quand le roman débute, il est au fond du gouffre, ravagé par la mort récente d’une collègue, Hole picole comme un trou (Ah ! Ah ! Ah !). Quasiment au bord du delirium tremens avec des cauchemars perpétuels où se croisent sa collègue, sa mère morte ou sa sœur atteinte d’une maladie grave. Son amie Rakel s’est éloignée, il rumine un contentieux sérieux avec l’un de ses alter-ego qu’il soupçonne d’être un ripoux responsable de la mort de sa collègue et de trafics en tout genre, ses supérieurs ont préparé sa lettre de licenciement, bref l’inspecteur Harry porte sa croix comme les autres.
Pour en revenir à ce roman proprement dit, l’hypothèse du serial killer est toujours un sujet porteur et fascinant et Jo Nesbo inclut dans son texte un long passage instructif sur la typologie de ce genre de criminels. De même pour les références sataniques avec le pentagramme, ça titille agréablement l’imagination du lecteur. Ceci dit, Jo Nesbo sait aussi embarquer ses clients sur de fausses pistes crédibles, « Le mensonge doit apparaître comme suffisamment vrai pour que la réalité semble perdre toute sa vraisemblance », et truffe son bouquin de digressions que certains pourront trouver pénibles car nous éloignant de l’intrigue mais que pour ma part j’ai appréciées, donnant de l’épaisseur (dans tous les sens du terme) à ce gros roman.
Les défauts du bouquin, au début du livre l’alcoolisme d’Harry Hole est réellement pénible à supporter. J’ai aussi été étonné de constater que tous les bruits étaient qualifiés par un verbe unique, « claquer », que ce soient les feuilles du journal ou les portes… problème de traduction ? Intrigue à tiroirs, l’explication des meurtres est un peu faible car tarabiscotée (la découverte des lettres dans le mur !!!), quant au second final, je suppose qu’il fait encore débat parmi les lecteurs, entre le Grand Guignol et le suspense haletant…
Pour résumer, à mon avis il s’agit globalement d’un polar tout à fait honorable, qui m’a un peu agacé au début, que j’ai beaucoup apprécié durant les quatre cents pages suivantes mais dont les quarante dernières peuvent éventuellement décevoir. Quant à Jo Nesbo, sur ce roman il ne se distingue guère de ses confrères d’un niveau honnête, encore que j’aie cru déceler ( ?) à travers ses digressions, un talent d’écrivain bridé par le formatage convenu de ce type de roman…
« - J’apporte de mauvaises nouvelles, Harry, cria Moller en défaisant le crochet de la fenêtre et en donnant des coups fébriles sur le montant. A la troisième bourrade, le battant partit à la volée. Il gémit, défit sa ceinture et le premier bouton de son pantalon. Lorsqu’il se retourna, Harry était à la porte du salon, une bouteille de whisky ouverte à la main. – Mauvaises à quel point ? demanda Harry en regardant la ceinture dégrafée du capitaine. Je vais être rossé ou violé ? »
Jo Nesbo L’Etoile du diable Série Noire Gallimard
Traduit du norvégien par Alex Fouillet
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