Arnaldur Indridason : Hiver arctique
04/09/2013
Arnaldur Indridason, né en 1961 à Reykjavík et fils de l'écrivain Indrid G. Þorsteinsson, est un écrivain islandais. Après un diplôme en histoire à l’université d'Islande, il exerce les métiers de journaliste, scénariste puis critique de films. Entré en littérature en 1997, aujourd'hui il est l'auteur d’une quinzaine de romans policiers, dont près de la moitié traduits en français, ont donné plusieurs best-sellers. Hiver arctique est paru en 2009.
Banlieue de Reykjavik, le corps d’un jeune garçon de douze ans est retrouvé poignardé, dans la neige, au pied d’un immeuble où il habite avec sa mère et son frère ainé. Le commissaire Erlandur et son équipe prennent l’affaire en main. Elias, la victime, Sunee sa mère et Niran l’autre fils d’une quinzaine d’années, venaient de Thaïlande le pays du sourire, immigrés en Islande petit pays refermé. N’ayant aucun indice à exploiter, les policiers envisagent un crime raciste. Je n’en dis pas plus sur l’intrigue, vous comprenez aisément pourquoi.
Il s’agit du premier roman de l’écrivain que je lis et j’ai compris qu’Erlandur était le héros récurrent de l’auteur. Séparé de sa femme, il trimballe plusieurs valises d’emmerdements qui plomberaient le moral de plus résistants, deux enfants qu’il voit rarement dont une fille toxicomane et son petit ami en prison, mais surtout un lourd chagrin enfoui au plus profond de lui, la mort de son frère quand ils étaient enfants, disparu lors d’une tempête de neige, dont il se juge responsable.
Si vous n’êtes pas un familier d’Arnaldur Indridason l’islandais, il écrit des polars un peu dans la veine des suédois Henning Mankell ou de Maj Sjöwall et Per Wahlöö si on remonte plus loin dans le temps. Sur la quatrième de couverture, l’éditeur évoque même Simenon, ça me paraît bien exagéré, d’accord pour l’idée générale mais avec un talent moindre. Hiver arctique est un roman assez lent, on peut même dire sans suspense, certes le coupable n’est démasqué que dans les dernières pages mais le lecteur ne se sent pas poussé par l’urgence d’élucider l‘affaire. Pas de poursuites ou de coup de feu, même pas de violences physiques, ni même de retournement de situation ; l’enquête suit son cours et les éléments s’imbriquent les uns dans les autres inexorablement. Ce n’est pas une critique négative mais c’est ce genre de polar et le futur lecteur éventuel doit le savoir.
Comme chez Mankell, Indridason utilise le polar pour y insérer une réflexion sur son pays. Ici il est question de la place des immigrés dans la société islandaise, « On affirmait qu’il fallait réagir par le débat et l’information ; mieux utiliser le système scolaire afin de présenter, d’expliquer et de tordre le cou aux préjugés » et débat corollaire, que fait la justice, « Qu’est-ce qui fait donc que notre société se met à plat ventre devant les criminels ? » s’interroge un islandais (très) moyen.
Sur ce fond de questionnement sociétal, l’écrivain inflige à son héros Erlandur des tourments psychologiques assez durs et liés à la mort. Le crime du gosse objet de son enquête, le rappel de la disparition de son frère dont le corps ne fut jamais retrouvé, le décès suite à une « longue maladie » de Marion son ancienne supérieure devenue une sorte d’amie. Erlandur se débat dans cet environnement mortifère tout en constatant avec une rage impuissante, l’évolution de son pays et l’apparition de travers qui l’agacent, comme les anglicismes à répétition employés par l’un de ses collègues. On ne rigole pas beaucoup avec Indridason mais faut-il s’en étonner quand on sait et il nous le rappelle, que l’Islande est un des pays ayant le plus important taux de suicides.
Un bon polar donc, mais dans un genre bien spécifique.
« Ils lui donnaient environ dix ans. Vêtu d’une doudoune déboutonnée grise à capuche et d’un pantalon couleur camouflage, une sorte de treillis militaire, l’enfant avait encore son cartable sur le dos. Il avait perdu l’une de ses bottes. Les policiers remarquèrent à l’extrémité de sa chaussette un trou duquel dépassait un orteil. Le petit garçon ne portait ni moufles ni bonnet. Le froid avait déjà collé ses cheveux noirs au verglas. Il était allongé sur le ventre, une joue tournée vers les policiers qui regardaient ses yeux éteints fixer la surface glacée de la terre. Le sang qui avait coulé sous son corps avait déjà commencé à geler. »
Arnaldur Indridason Hiver arctique Editions Métailié
Traduit de l’islandais par Eric Boury
Les commentaires sont fermés.