Trevanian : La Sanction
12/09/2013
Mystérieux écrivain que ce Trevanian. Professeur d’université, il passa une grande partie de sa vie reclus à Mauléon dans les Pyrénées basques, refusant tout entretien et toute photographie. Il ne révèlera son vrai nom qu’en 1979, lors de la sortie de son roman Shibumi. Donc, il paraît aujourd’hui avéré que Trevanian est l’un des noms de plume de l’écrivain américain Rodney William Whitaker, né le 12 juin 1931 à New York et décédé le 14 décembre 2005 en Angleterre. Auteur de romans, il a écrit également des nouvelles sous le nom de Beñat Le Cagot, et en a assuré la traduction sous le pseudonyme de Trevanian ! Autres pseudonymes, Nicolas Seare, Edgard Moran ou Jean-Paul Morin. Par contre en 1970, il écrit sous son vrai nom The Langage of film, un livre sur le cinéma.
La Sanction, son premier roman, date de 1972. Il a été adapté au cinéma par Clint Eastwood en 1975, avec lui-même et George Kennedy dans les principaux rôles.
Professeur d’art et alpiniste de renommée internationale, Jonathan Hemlock est surtout un tueur agissant pour le compte de l’organisation secrète CII, un genre de CIA, spécialisée dans les “sanctions”, c’est-à-dire l’assassinat d’agents ennemis en représailles au meurtre d’un agent du CII. Une nouvelle sanction est confiée à Jonathan Hemlock. Sa cible fait partie d’une expédition qui va tenter l’ascension d’une des plus dangereuses montagnes des Alpes, l’Eiger par la face nord. Hemlock se joint à cette expédition en vue d’exécuter sa mission. Seul problème, il ignore lequel de ses trois compagnons de cordée est l’homme à abattre.
Si Trevanian était un écrivain mystérieux, ce premier roman est lui aussi étrange. Il est constitué de deux parties tellement distinctes dans le style, qu’on les pourrait croire écrites par deux auteurs différents. La première qui court sur une bonne centaine de pages, introduit le héros Jonathan Hemlock dans ce qui pourrait ressembler à un pastiche du film La panthère rose avec l’inspecteur Jacques Clouseau (Peter Sellers) avant de se poursuivre en une sorte de James Bond, où le héros flirte avec tout ce qui porte une jupe, couche (beaucoup) avec élégance et badine le sourire aux lèvres avec son pire ennemi. Nous découvrons aussi le supérieur de Hemlock, qui se nomme le Dragon, albinos terré dans un bureau sans lumière gardé par une secrétaire cerbère, Mrs Cerberus !
Surpris par ce long début porté sur la franche rigolade auquel je ne m’attendais pas, j’ai pensé m’être mépris sur le compte de l’écrivain et laisser tomber son bouquin, l’avalanche de second degré n’étant pas ce que j’étais venu chercher dans ce roman. Cet à cet instant que le ton a évolué.
La seconde partie, beaucoup plus conventionnelle, est un roman d’espionnage ou polar, dans laquelle Hemlock s’attaque à sa mission et à l’Eiger. Aidé de son ami Big Ben Bowman, chargé du camp de base, Hemlock s’encorde à un allemand, un français et un autrichien. L’un de ces hommes est la cible à abattre, encore faudrait-il savoir lequel est-ce ?
Je suppose que Trevanian connaît bien l’alpinisme car il en parle comme s’il était Lionel Terray, « La corde reliant deux hommes sur une montagne est plus qu’une protection de nylon ; c’est un lien organique qui transmet de subtils messages d’humeur et d’intention d’un homme à l’autre » ; nous donnant aussi un long aperçu historique de l’ascension de l’Eiger. Au final un bon bouquin, au début déroutant puis mettant en scène un héros très « classe » à la James Bond par certains côtés, mais travaillant exclusivement pour l’argent qui lui paiera les toiles de maîtres qu’il collectionne et très cynique puisque son job consiste à tuer, tout en étant très fidèle en amitié. Un caractère complexe mais pas gentil car « Etre gentil, c’est la façon dont un homme fait son chemin dans la société s’il n’a pas l’étoffe d’être dur ou la classe d’être brillant. » Quelques scènes musclées et d’autres de charme, prouveront qu’Hemlock en a dans le pantalon et là, l’écrivain et ses lecteurs se retrouvent en terrain connu et convenu de ce genre littéraire.
A noter, un an plus tard Trevanian donnera une suite à La Sanction avec L’Expert où l’on retrouve Jonathan Hemlock dans une nouvelle aventure qui cette fois l’entraîne à Montréal et en Angleterre.
« - Cette bagarre me tracasse. Pour un prof de fac vieillissant, tu t’es débarrassé de ce type bien vite. (…) Tu lui as réglé son compte comme si tu en avais l’habitude. Il était tellement dépassé qu’il n’avait pas la moindre chance de s’en tirer. Tu te souviens quand je t’ai dit combien j’aurais horreur de me trouver avec toi sur une île déserte sans nourriture ? Eh bien, c’est exactement ce que je veux dire. Comme quand t’as piétiné le nez de ce molosse. Tu t’étais déjà fait comprendre. On pourrait avoir l’impression qu’il y a quelque part en toi un vrai fond de méchanceté. »
Trevanian La Sanction Gallmeister
Traduit de l’américain par Jean Rosenthal
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