Mathilde Janin : Riviera
18/09/2013
Mathilde Janin a grandi à Lyon où elle est née en 1983, et vit désormais à Montreuil. Journaliste, elle a été responsable éditoriale du magazine Modzik avant de devenir chroniqueuse littéraire pour la radio. Riviera son premier roman vient de paraître.
Philippe Arnaud est un artiste majeur de la scène rock indépendante, Nadia Batashvili son épouse est une émigrée à la tête d’un label de disques, Frédérique, la sœur d’Arnaud, est aussi chanteuse. New York, Paris, Berlin est leur territoire. L’exil, la passion et la mort vont lier le trio. L’exil, quand Philippe et Frédérique quitteront New York pour Paris en 1990 afin de fuir l’épidémie mortelle du virus Ebola qui ravage le continent américain. Exil aussi pour Nadia qui profitera de la chute du mur de Berlin pour retourner sur l’île de son enfance, au milieu de la mer Noire. La mort, qui réunit Nadia et Dominique à Berlin en 1992 devant le corps de Philippe retrouvé noyé dans un lac de la ville.
Je ne sais pas s’il s’agit d’un roman rock, car déjà il faudrait s’entendre sur la dénomination, mais le rock sert de toile de fond sonore au bouquin. Rock new wave et punk qui connurent leurs années de gloire entre 1970 et 1980 avant d’évoluer vers l’alternatif. Ce pourrait n’être que des détails, et d’une certaine façon ils en sont dans le roman puisque le propos de Mathilde Janin n’est pas de nous raconter l’histoire d’un mouvement musical, mais ils caractérisent bien une époque et une certaine jeunesse d’alors. Le No Futur des uns résumant bien la situation des autres, à savoir notre trio qui fuit devant la pandémie.
Disons le tout de suite, le roman n’est pas vraiment facile à lire. Le narrateur n’est pas toujours identifié, la chronologie n’est pas respectée, des situations ne sont précisées que plus loin dans le texte, des passages entre guillemets ou en italiques tirés de coupures de presse ou d’un journal intime donnent un éclairage intrigant à l’ensemble, « comme si à travers d’une multiplicité d’agencements, la même histoire se racontait à l’infini. »
Bien entendu, les rapports entre ces Jules et Jim modernes sont tout, sauf simples. Si les histoires d’amour finissent mal en général, elles savent aussi être douloureuses pendant. Philippe et Nadia, Nadia et Frédérique, Nadia et son oncle Pavel, les liens, troubles, se tissent dans un désordre de lecture affolant la logique traditionnelle. Mais de cet imbroglio dont Philippe semble de prime abord la vedette, parce qu’il est l’Artiste central et l’objet de toutes les convoitises, c’est in fine le personnage de Nadia qui s’avère être le sujet central du roman. Peut-être par sa proximité relative avec l’écrivain ?
Mathilde Janin vient d’écrire un premier roman ambitieux, à l’écriture complexe, parfois d’une froideur intellectuelle qui tient un peu, hélas, le lecteur à distance. Néanmoins, il faudra suivre son prochain effort avec attention car il y a là le matériau digne d’un écrivain naissant.
« Philippe laissait Nadia cloisonner leurs vies. Elle s’appropriait les mondanités et gardait jalousement ses rares amitiés. Elle clamait être de ces célibataires endurcis pour qui l’amour est une nécessité qu’ils cultivent et la relation un fardeau qui ne pèse jamais longtemps. Elle érotisait chacun de ses rapports, sans discrimination de sexe, plaçant Philippe dans une position qui tenait aussi bien du rival que de l’inféodé. Elle n’hésitait pas à railler subtilement, c’est-à-dire sans agressivité, avec un amusement qui trahissait sa tendresse, l’apparence ou les capacités intellectuelles de son compagnon. Ainsi pouvait-elle se figurer avec un pied en dehors du couple et un recul effroyable – bien que ces deux traits, indépendance et capacité d’abstraction, lui manquassent cruellement. »
Mathilde Janin Riviera Actes Sud
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