Interview : Keisha une blogueuse
21/09/2013
Depuis de nombreuses années maintenant, le nombre de blogs littéraires a explosé sur la Toile et on lira avec intérêt sur ce sujet, l’article paru sur le site du Magazine Littéraire en janvier 2012. Pour compléter le dossier, j’ai pensé qu’il serait intéressant d’interviewer un blogueur pour connaître ses motivations, sachant que d’autres auraient des réponses différentes à fournir. Mais qui interroger ? J’ai fait simple comme toujours en choisissant quelqu’un ayant déposé quelques commentaires sur mon propre blog et dont le site de bonne tenue, offrait un panorama de livres variés et de qualité. J’ai donc contacté par email, Keisha qui tient le blog En lisant, en voyageant.
Bonjour Keisha. Bien que vous opériez anonymement sur la Toile, pouvez-vous néanmoins nous livrer quelques éléments biographiques. Dans quelle tranche d’âge vous situez-vous (car un lecteur de 20 ans n’ayant pas le même ressenti qu’un de 60, cette information a son importance) ? Avez-vous fait des études ou exercé une profession ayant un rapport avec la littérature ?
Je mets au défi un blogueur opérant quelque temps sur la Toile de rester totalement anonyme. Des bribes d'information sont dévoilées au fil de billets, de commentaires ou de réponses. Il est donc plus ou moins de notoriété publique que j'enseigne les mathématiques. Pas d'études littéraires, donc, ce qui me gêne parfois pour creuser et rédiger mes compte rendus, mais me donne une grande liberté face aux sommets de la littérature que j'aborde naïvement et sans mauvais souvenirs.
Depuis quand lisez-vous et quel est votre plus ancien souvenir de lecture ?
Je lis depuis que j'ai appris, en CP, donc. J'ai souvenir d'un conte d'Andersen lu et relu.
A quand remonte la création de votre blog ?
Le 8 juin 2008, sur la plateforme Overblog.
Quel est votre but avec ce blog ? Débroussailler le champ immense des lectures possibles, faire partager vos émotions de lectures…
Au départ c'était pour garder trace de mes lectures, de façon plus étoffée qu'avec une liste. Ensuite des liens se sont formés entre blogs et blogueurs (surtout blogueuses, d'ailleurs). Liens virtuels, et parfois dans la vie réelle. J'aime bien partager mes coups de cœur, sans doute cela n'est-il guère possible dans mon environnement (même si on se prête des livres, ou avec des bibliothécaires). Mais je dois reconnaître que certains de mes coups de cœur sur le blog me laissent isolée...
Je n’ai pas remarqué de critiques de livres franchement négatives sur votre blog. Est-ce parce que vous n’êtes jamais tombée sur ce genre d’ouvrages ou bien, préférez-vous ne pas les chroniquer ? Dans le cas de cette seconde hypothèse, pourquoi ce choix ?
Exact, j'ai déjà déploré mon côté "trop bon public". Il y a toujours du bon dans un livre, ou chez une personne, non ? En tout cas, on peut espérer qu'un livre est le résultat d'un dur labeur en amont de la part d'un auteur, et je répugne à tuer son bébé.
Sachez que je tombe sur des ouvrages qui me déplaisent, et que souvent je n'arrive pas au bout. Je choisis donc de ne pas en parler, puisque je ne les ai pas intégralement lus. Même si en commentaire sur un blog je peux signaler que ça m'est tombé des mains. La vie est bien trop courte pour se forcer à lire de la mauvaise qualité (selon mes goûts) ou ce qui n'emballe pas.
En fouinant sur mon blog, on peut repérer quand même des billets où je m'amuse un peu plus à descendre un livre ( j'ai chroniqué de la littérature romanesque (même deux Harlequin, pour un challenge !), ai révélé toute l'intrigue d'un faux thriller qui m'avait ennuyée, ai écrit que Guillaume Musso écrit mal, que Laura Kasischke m'ennuie, et m'apprête à parler du dernier Joyce Carol Oates en révélant qu'entre elle et moi le courant ne passe toujours pas ; j'ai même dit un peu de mal d'un livre de nature writing, c'est dire...) Bref, je suis rarement méchante. Je préfère entrainer les gens à lire un de mes coups de cœur plutôt que de les empêcher de lire ce qui peut être leur plairait.
Il semble que vous receviez des livres offerts par des éditeurs ou d’autres sources. Dans ce cas, vous sentez-vous obligée de modérer vos commentaires ?
Parmi les blogueuses, je ne reçois pas tant de services de presse que cela... Je m'interroge d'ailleurs sur l'influence que cela a de recevoir directement un livre. Honnêtement, je ne crois pas que cela change grand chose car je n'accepte un envoi que si je sens que le livre est dans mon créneau de lecture, et que je devrais l'aimer. Si je ne l'aime pas trop, je le dis quand même (j'ai des exemples).
Pouvez- vous nous citer vos écrivains ou romans préférés ?
Si je dis Proust, ça va faire intellectuel, mais, en réalité j'ai lu trois fois en entiers A la recherche du temps perdu. Et je m'aperçois que j'ai oublié de donner ma tranche d'âge. Bon, si je dis qu'il me faut une décennie par lecture, ça donnera une idée. Sinon, j'ai un grand amour pour les auteurs anglo-saxons.
Comment sélectionnez-vous vos lectures ? Par les critiques lues dans la presse, les émissions radio ou télé, en consultant d’autres blogs…
Actuellement, les blogs et les étagères et présentoirs de mes bibliothèques.
En moyenne et à titre indicatif, combien lisez-vous de bouquins par mois ? Et pour rester dans les chiffres, quelle est la moyenne de fréquentation de votre blog par jour ?
Environ 15 livres par mois, de tous genres (pavés, BD, romans, non fiction). Allons bon, la fréquentation chez Blogspot ? 200 ou 300 pages vues par jour ? Leurs statistiques sont-elles fiables ? Pour le nombre de visiteurs, je n'en sais rien, ce n'est pas indiqué.
La tenue d’un blog influe-t-elle sur votre façon de lire ? Sachant qu’en arrière plan, il y a une critique à écrire.
Hélas oui, je m'en aperçois et ça m'agace. Penser quand on lit à ce qu'on va citer ou écrire après me gâche parfois le plaisir. Il m'arrive donc de lire, sans faire de billet, donc liberté totale.
Quels plaisirs retirez-vous de la lecture ?
Immenses ! Même quand je rentre tard le soir après un spectacle, je lis toujours quelques pages... Dans mon sac, j'ai quasiment toujours un livre.
Merci Keisha de m’avoir accordé un peu de votre temps pour répondre à ces questions et je vous souhaite de belles lectures à nous faire partager sur votre blog.
19 commentaires
Ouf, les journées d'une blogueuse peuvent aussi être occupées par autre chose que la blogosphère, et j'arrive seulement maintenant!
Tiens je peux ajouter pour les critiques pas trop négatives qu'en fait autant donner aux gens l'envie de lire un livre plutôt que les détourner d'un autre (qui peut être serait à leur goût)
Bon week end!
Merci pour cette précision Keisha !
Si d’autres blogueurs ou blogueuses veulent donner leur avis sur les motivations les poussant à tenir des chroniques de livres sur la Toile, qu’ils n’hésitent pas à utiliser les commentaires pour nous faire part de leurs propos.
Une question m’intéresse tout particulièrement, quelle est votre attitude face à un très mauvais bouquin ? Le casser ou l’ignorer ?
Un instinct très sûr m'éloigne des mauvais bouquins (il suffit déjà de se méfier de certains éditeurs, au risque de jouer les snobs et de rater de bonnes lectures) et si c'est écrit avec les pieds et vulgairissime, je le sais vite. Donc adieu, je passe à une autre lecture!
Alors je casse rarement...
Et vous, au fait?
Moi aussi je m’efforce de choisir mes lectures avec soin pour m’éviter les pertes de temps. Mais, il m’est arrivé de tomber sur des bouquins illisibles. Dans ce cas, et à condition d’avoir réussi à le terminer, j’en fais une critique franchement négative. J’ai d’ailleurs créé sur mon blog une rubrique « A éviter » qui heureusement est peu fournie…
En tout cas ma position est claire et nette, un mauvais livre doit être sanctionné par une critique sans équivoque. Parce que les bouquins ne sont pas gratuits si on doit les commander chez un libraire ; parce qu’il existe bien assez de bons livres pour satisfaire une vie entière et ne pas perdre de temps avec les mauvais ; parce que condamner un ouvrage, n’est pas (obligatoirement) condamner un écrivain mais le pousser à faire mieux la prochaine fois ; parce que dans les médias traditionnels et souvent sur les blogs, j’ai le sentiment que les critiques sont partagées entre complaisance (médias traditionnels) et absence de critique (sur les blogs), résultat le lecteur cherchant de l’aide pour choisir une lecture, ne tombe que rarement sur une critique négative, qui en creux d’ailleurs complètera parfaitement un avis inverse.
J’ajouterai que toute critique et j’y inclus particulièrement les mauvaises, doit évidemment être argumentée… Et enfin, en tant que blogueur, donc indépendant et libre, je me dois de donner un avis clair et net… sachant qu’il n’engage que moi et que mes éventuels lecteurs, libres eux aussi, en feront ce qu’ils voudront !
Pour résumer, oui, je suis pour le « cassage » des mauvais livres.
Si cela ne vous ennuie pas, je pourrais faire paraitre ce billet sur facebook? Je me la pète blogueuse connue, non? Plus sérieusement, autant que mes réponses soient scrutées, et puis le débat billet ou pas qui s'amorce est intéressant et récurrent d'ailleurs.
Bien d'accord avec vous, pour descendre le livre il faut l'avoir lu et argumenter.
Je viens de regarder le A éviter... j'y vois Le sel de la vie, eh bien là je ne suis pas d'accord, j'ai aimé! ^_^
Sinon, on a souvent des lectures aimées en commun.
Vous avez bien entendu mon accord pour la publication sur Facebook car je suis d’accord avec vous, il y amorce à un débat intéressant. Vous avez aimé "Le Sel de la vie", tant mieux ! Si tout le monde était toujours d’accord sur tous les livres, on s’ennuierait ferme, non ?
Une lecture très intéressante Keisha . Ce monsieur parfaitement bien reconnu la valeur de ton blog.
J'irai consulter le sien.
Que d'heures passées à lire vos critiques !! Si vous croyez que je n'ai que ça à faire !!!!!!
Vous êtes la bienvenue Mireille, j'essaierai d'être aussi aimable avec vous que Keisha.
Très intéressante cette interview, on te retrouve parfaitement je trouve.
Sinon en ce qui me concerne, les très mauvais bouquins j'en ai lu et chroniqué quelques-uns, surtout dans la pseudo littérature érotique actuelle qui est affligeante de nullité. J'essaie de m'en sortir avec l'humour, ce qui n'est pas toujours facile, mais je m'amuse beaucoup à écrire ce genre de billet.
Au moins vous vous en amusez Jérôme… Moi, j’enrage d’avoir perdu mon temps à lire d’atroces bouquins et je me retiens pour ne pas dépasser les limites de la correction quand je casse un ouvrage. Heureusement, ces cas sont rares…
Keisha n'a pas aimé un NW ? Wahouh !
un livre qu'on n'a pas aimé peut être chroniqué : la rencontre ne s'est pas faite avec moi, mais se fera avec d'autres. mes goûts, mes choix sont les miens.
"ce livre n'est pas pour moi" ne signifie pas que mon avis est le seul et l'unique et qu'il doit être suivi.
j'ai souvenir d'un conseil d'un copain au collège (5ème ou 4ème) : plus facile de parler de qq chose que l'on n'aime pas.
« plus facile de parler de qq chose que l'on n'aime pas » je ne sais pas Lystig… Le plus difficile pour moi, c’est de chroniquer un livre pas très bon d’un écrivain que j’aime. Un autre débat très intéressant à ouvrir, non ? Le cas le plus exemplaire (pour moi) ce sont les romans de Philippe Djian… Je le lis depuis son premier bouquin mais pourtant… Je viens de commencer son dernier « Love song », mon avis dans quelques jours.
(en tout cas, je découvre ce blog !)
Très intéressant votre avis sur "les avis de complaisance", qu'il soit positifs ou négatifs, j'ai envie de savoir pourquoi un roman a déplu ou a totalement séduit le lecteur. Et c'est tout l'art du lecteur, bloggeur que de dévoiler l'essentiel sans le contenu. J'en suis loin.
Je suis également le blog de Keisha, en toute fiabilité. Ravie du partage à travers ce billet.
Pour ma part Nathalie, j’essaie de rédiger les critiques de livres, telles que j’aimerais les lire dans la presse ou sur d’autres blogs. Honnêtement, sans complaisance c'est-à-dire sans en cacher leurs défauts, pour que celui ou celle qui lit mon billet puisse se faire une opinion objective de ce qui l’attend quand il ouvrira l’ouvrage. Bien entendu mon souhait est impossible à atteindre car il dépend de trop de critères. Certains sont de ma responsabilité et d’autres des lecteurs de mes billets. Mais de toute façon, il n’y a qu’une seule vérité, c’est l’avis de celui qui a lu le bouquin…
Superbe interview ! J'ai réagi à la question "faut-il parler des livres que l'on n'a pas aimés ?" sur FB donc je ne me répèterai pas ici, en revanche, je voulais juste rebondir sur l'influence du blog sur sa façon de lire. Je crois que même si l'on s'en défend, ça influence forcément. Quand on blogolit, on ne dialogue plus avec le livre seul mais également avec les lecteurs potentiels de ce livre. Je trouve ça plutôt enrichissant. En tout cas, je ne le ressens pas comme une contrainte. A moins que bloguer soit déjà ressenti comme une contrainte peut-être (dans le sens "devoir rédiger un avis" - mais si on le fait par plaisir, c'est différent).
L’interview dissimulait les deux questions essentielles qui me taraudent. Premièrement, faut-il casser les mauvais livres ? Et deuxièmement, lire un bouquin quand on doit en faire une critique écrite après, modifie-t-il la lecture ? En tant que blogueur, ces deux points me sont familiers. Pour le premier j’ai déjà donné mon avis dans un autre commentaire. Pour le second, oui, ça modifie ma manière de lire, car si j’ai toujours souligné des phrases dans mes bouquins, je dois désormais prendre des notes pour étayer ma critique ou retrouver les passages de référence. Résultat, je perds un peu en plaisir de lecture, mais cette analyse de texte me force à réfléchir plus à ce que je lis. Match nul ? Un second débat est ouvert …..
En lisant pour écrire ensuite, je ne prends pas forcément de notes, mais insère des marque-pages dans le livre, donc déjà c'est différent de lire sans penser à autre chose.
Mais comme dans la vie j'ai de moins en moins à rédiger, devoir le faire pour le blog est un exercice salutaire.
Quant aux "mauvais" livres, dont je parle rarement mais parfois, il me semble qu'ils donnent du plaisir à chroniquer, et que c'est l'occasion de se lâcher un peu sur le dos du pauvre auteur...
On dit que les critiques sont des artistes ratés (musique, cinéma, littérature…) J’avoue que la tenue d’un blog me permet, outre de parler de livres et de tenir des fiches de lectures, de m’exercer à l’écriture et je me délecte autant de l’acte que du but… A relire tous mes commentaires apportés à votre interview Keisha, je m’aperçois que j’ai beaucoup révélé de ma personne. Du blog comme exercice de psychanalyse ?
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