Philippe Djian : Love Song
29/09/2013
Philippe Djian est un romancier français né le 3 juin 1949 à Paris. Il a longtemps été présenté comme un héritier de la Beat Generation en France. Il est notamment l'auteur de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis son style et son inspiration ont beaucoup évolué. Son nouveau roman Love Song, vient tout juste de paraître.
J’ai un réel problème avec Philippe Djian. Je le lis depuis ses débuts (Bleu comme l’enfer en 1983) et j’ai adoré ses premiers romans tout autant que le personnage vaguement lié à ce qui pourrait s’appeler la culture rock. Fidèle, je m’empresse d’acheter ses bouquins à peine sortis de l’imprimerie mais leur lecture me laisse depuis longtemps dans une incompréhension totale. L’année dernière OH… m’avait fait une bonne impression toute relative mais ce n’était qu’un avis de fan. Son nouveau bouquin me laisse dans la même perplexité, alors pour en parler autant vous présenter les deux commentaires contradictoires qui me viennent naturellement sous la plume.
« Daniel est un musicien accompli. À 50 ans et quelques, sa carrière est faite, il est l’auteur de plusieurs gros succès, de plus d’une dizaine d’albums, et tourne dans le monde entier. Le public et la critique l’adorent, on le reconnaît dans la rue et le désordre de sa vie conjugale avec Rachel fait parfois la une de la presse people. Mais ces derniers temps, l’industrie du disque a changé sans qu’il s’en aperçoive. Et, quand il remet à sa maison de disques ses nouveaux morceaux, le verdict tombe : pas assez commercial. Renvoyé en studio, il doit d’urgence trouver l’inspiration, quand sa femme, qui l’avait quitté depuis un an, choisit justement ce moment pour revenir… enceinte ! »
Même si le roman baigne dans le monde musical et si l’écrivain en profite pour balancer quelques vérités convenues sur l’industrie du disque, ce n’est pas son propos principal. D’ailleurs, y-a-t-il réellement un fond dans ce roman. Certes il y a de la réconciliation, de la résurrection et de la délivrance mais il n’y a pas de morale puisque le crime n’est pas puni.
CONTRE : Le lecteur n’est jamais surpris par une nouvelle histoire sortie de l’imagination de l’écrivain et il a toujours l’impression de retrouver les mêmes personnages dans chaque livre. Des gens aisés vivant dans de belles maisons, du genre Bobo, dans une ville non identifiée, près d’un lac avec des montagnes au loin et la neige qui tombe à un moment ou un autre. Le héros du roman a toujours des problèmes avec sa femme et le genre féminin en général, les couples sont en rupture ou se déchirent ; on couche à droite et à gauche et l’on s’étonne que le conjoint en prenne ombrage. Les hommes écoutent plus leur bite que leur tête, les scènes de sexe sont nombreuses et torrides croit-on comprendre et si ce n’est le cas, les petites pilules viennent à la rescousse. On boit beaucoup, on fume des joints un peu. Pour en revenir à ce roman précis, il y a des situations carrément grotesques comme la scène de branlette dans la salle-de-bain ou la tentative de meurtre de Walter ami de Daniel ou l’extravagante Amanda qui vit de ses passes à 70 ans et joue de la batterie dans le groupe de Daniel ! A moins que ce ne soit de l’humour… ? Rien ne tient la route dans le scénario et l’on enrage de se laisser aller à lire de telles salades. On a beau savoir que Djian se fiche des histoires, c’est son droit puisque c’est lui qui écrit, mais nous sommes en droit de n’être pas satisfaits puisque nous sommes les lecteurs.
POUR : Et malgré tout ce qui précède, à un moment ou un autre, je me laisse prendre à l’écriture, étonné devant des phrases tournées ainsi « Une odeur de feu de bois s’est répandue dans l’air, de tamaris coupés, des étoiles apparaissent. » ou bien ce genre « Elle revient. Elle lui sourit. Il lui demande de partir. A moi aussi. » On constate l’absence de point d’interrogation quand des questions sont posées. Peut-être sont-ils trop vulgaires pour l’écrivain. Pourtant, même ces points de style que je considère positifs pourraient être contestés par d’autres.
Pour conclure (enfin), je ne m’intéresse plus beaucoup aux romans de Philippe Djian mais je ne peux pas m’empêcher de les lire. Une addiction comme une autre et dont je ne cherche pas vraiment à me guérir. Philippe Djian écrit de belles musiques mais ses paroles sont insipides, Love Song, son dernier album ( ?) en est la preuve encore.
« Nous demeurâmes un instant silencieux, également assommés, l’un et l’autre, par l’édifiant constat de cette dérive et par cette faculté qu’ont les hommes de toujours travailler à leur propre destruction – comme se donner de mauvais chefs, empoisonner les champs ou désirer des femmes trop belles. »
Philippe Djian Love Song Gallimard
2 commentaires
Merci et bravo pour ce commentaire très pertinent. Je me retrouve parfaitement dans vos propos : je ne m'intéresse plus vraiment aux romans de Djian mais je ne peux m'empêcher de les lire. C'est exactement ça, je déplore un peu son postulat du style avant tout. La seule (légère) nuance que je ferai est que ce style totalement épuré m'emporte vraiment. Mais quand je ferme le bouquin je me dis, oui, donc? Je ne retrouve plus cette fureur de vivre des vieux romans, cette odeur de beat generation à la française. Je sais qu'il joue avec ses personnages tous similaires, interchangeables mais parfois ça me déçoit. Et puis je l'ai vu lire son oeuvre (Incidences il me semble). Le personnage m'a peu emballée, il n'avait pas envie dêtre là, c'était un peu triste. Naturellement, je lirai les suivants... Et posterai sans doute un billet, où votre opinion sera largement partagée.
Odile, nous sommes tous les deux en phase, très déçus par ce qu'est devenu Djian. La seule question que je me pose aujourd'hui, aurais-je un jour le courage de ne plus le lire ? Je crains que la réponse ne soit : non !
Les commentaires sont fermés.