Colum McCann : Transatlantic
15/10/2013
Colum McCann, né en 1965 à Dublin, est un écrivain Irlandais. Son père, un ancien joueur de football professionnel était également éditeur, éveillant un goût pour les livres chez le jeune Colum. Après des études de journalisme, il travaille comme rédacteur pour l'Evening Herald puis devient correspondant junior pour l'Evening Press de Dublin dans les années 1980. À l'âge de 21 ans il décide de se rendre aux États-Unis y multipliant les petits boulots avant de partir vivre au Japon puis à New York où il vit aujourd'hui. Paru chez nous en 1998, Les Saisons de la nuit, fut un succès colossal. Son nouveau roman, Transatlantic, vient de paraître.
Le capitaine John Alcock et le lieutenant Arthur Whitten Brown, aviateurs britanniques, ont effectué le premier vol sans escale transatlantique en 1919 entre Terre-Neuve et le Connemara. Frederick Douglass (1818-1895) homme politique et écrivain, né esclave, il sera l'un des plus célèbres abolitionnistes américains du XIXème siècle. George Mitchell, homme politique démocrate et sénateur, à partir de 1995 il est actif dans le processus de paix en Irlande du Nord, comme Envoyé spécial américain, qui aboutira à l'Accord du Vendredi saint de 1998.
A ces trajectoires d’hommes ayant réellement existé et contribué à l’Histoire, sans pour autant être des figures particulièrement connues, Colum McCann mêle les destins d’héroïnes fictives comme Lily la petite servante s’exilant d’une Irlande misérable vers une Amérique pleine d’espoirs, Emily journaliste et femme en avance sur son temps, Lottie photographe ou Hannah Carson dernier maillon de cette chaîne humaine.
Les chapitres du roman constituent de courtes nouvelles et le lecteur au début du moins, s’il prend plaisir à lire McCann, se demande où il veut en venir, jusqu’à que l’écrivain fasse surgir des liens, parfois ténus, parfois étroits, entre chacun de ses personnages et dès lors c’est une fresque qui se déploie sous nos yeux, symbolisé par une lettre remise à Brown l’aviateur en 1919 et qui parviendra entre les mains d’Hannah cent cinquante ans plus tard, sans avoir été ouverte. S’étalant entre 1845 et 1998 sans que la chronologie soit respectée, comme un arc-en-ciel ayant un pied en Irlande et l’autre en Amérique, la liaison entre les deux pays se fait dans les deux sens et défiant le temps qui s’écoule les acteurs du roman créent une chaine familiale ou relationnelle dont l’île reste le pivot central.
Commençant son ouvrage par de très courtes phrases, presque sèches, dans sa première partie, McCann peint sa toile à petites touches, modestes et humbles, l’air de ne pas y toucher et quand il évoque des problèmes graves comme l’esclavage qui règne en Amérique ou la misère qui sévit en Irlande, il le fait au travers de petites choses de la vie touchant ses héros. Mais où l’auteur excelle, c’est dans le ton et la manière dont il s’y prend pour nous rendre ses personnages extrêmement attachants car on ressent alors pleinement son amour pour eux et son pays natal. Tous sans exception, hommes et femmes, sont des héros chacun à leur manière et leurs destins nous émeuvent au plus haut point.
Un très beau roman de Colum McCann, une fois encore.
« Agenouillée devant lui, elle caressa sa joue, son menton imberbe. Vomit le feu dans ses deux mains glacées. Le dévêtit. J’espère que ton âme m’écoutera maintenant. Dieu et diable là-haut, va les maudire pour moi. Leur dessein monstrueux de sang et d’os. Leur bête abreuvée de bêtise, la solitude de toutes les mères. Elle déboutonna sa tunique. Posa une main sur son cœur. La balle aurait pu passer sous l’aisselle. Comme s’il avait levé les bras en signe de reddition, mais qu’elle avait tenu à se planter là. Minuscule blessure. Pas de quoi l’emporter. Sa cuvette près d’elle, Lily lava la plaie avec du savon blanc. Elle habilla son fils comme s’il était vivant, puis elle traina son corps dans l’herbe. »
Colum McCann Transatlantic Belfond
Traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre
2 commentaires
J'ai beaucoup apprécié 'Les saisons de la nuit' et je retrouve dans ce que tu dis de celui-ci cette manière particulière d'enchâsser des histoires à première vue indépendantes qui m'a tellement convaincu chez cet auteur. Je le lirai sans doute. D'autant que depuis quelques semaines il me fait effrontément de l'œil sur la table de mon libraire.
Le tout début du roman peut sembler peu intéressant mais ce n’est qu’une impression qui ne dure pas. La construction savante se met en branle ; mais ce qui est criant et convainc le lecteur, c’est la bonté et l’amour émanant des personnages. Je n’entrerai pas dans les comparaisons, du genre ce roman est meilleur ou moins bon que son précédent. C’est un très bon roman, Cléanthe, il mérite ton attention.
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