Yannick Haenel : Les Renards pâles
27/11/2013
Yannick Haenel né en 1967 est un écrivain français. Fils de militaire, il fait ses études au Prytanée national militaire de La Flèche. Professeur de français jusqu'en 2005 au lycée La Bruyère à Versailles, il a publié plusieurs romans, des essais, et des entretiens avec Philippe Sollers. En 2007 une polémique l’oppose à Alina Reyes qui l’accuse de plagiat et deux ans plus tard avec Claude Lanzmann, réalisateur de la Shoah, pour son roman Jan Karski, évoquant une "falsification historique" ce à quoi Yannick Haenel répond en revendiquant la liberté du romancier. Son dernier roman, Les Renards pâles est paru il y a quelques mois.
Expulsé de son meublé le jour de l’élection présidentielle, Jean Deichel, chômeur d’une quarantaine d’années, choisit de vivre dans sa voiture. Une voiture prêtée par un ami parti à l’étranger. D'étranges inscriptions sur les murs de Paris attirent son attention, il pressent l'annonce d'une révolution. Ses errances dans le XXème arrondissement de la capitale lui font croiser des marginaux, des artistes et Anna la « Reine de Pologne » puis des sans-papiers africains travaillant pour des salaires de misère à vider les poubelles d’une société qui ne veut pas les voir. Le Renard pâle est le dieu anarchiste des Dogon du Mali, figure tutélaire adoptée par un groupe de sans-papiers masqués qui défie la France.
Voici le genre de livre qui me laisse franchement perplexe. La première partie est du roman pur, servie par une écriture sereine et limpide véhiculant une certaine poésie, la seconde bascule dans le pamphlet lourdingue, la société nous contrôle, les travailleurs immigrés sont maltraités etc. Des pages entières semblent tirées d’articles de journaux ou d’essais, nous éloignant du roman et même l’écriture perd en qualité, le fond gangrénant la forme.
Que Yannick Haenel choisisse le roman pour critiquer la société, pourquoi pas, il n’a pas inventé le genre et ses critiques ne sont pas entièrement fausses. Si ce bouquin doit permettre à certains d’ouvrir les yeux sur notre monde, pourquoi pas, une fois encore. Mais ici, présenté ainsi et livré tel quel, la littérature n’en sort pas gagnante. Et ce ne sont pas Beckett, Rousseau et Marx appelés à la rescousse à l’insu de leur plein gré dans ce roman qui sauveront Les Renards pâles de l’ennui profond où m’a plongé la seconde partie de l’ouvrage.
« Sur l’un des murs, immobile, un petit chacal m’apparut. Il semblait extérieur au troupeau et levait sa tête vers le ciel. J’interrogeai Myriam : il s’agissait d’un animal sacré, dont elle avait trouvé l’image dans un livre sur les Dogons ; il est peint, quelque part au Mali, sur les falaises de Bandiagara – on l’appelle le Renard pâle. Elle se souvenait vaguement qu’il représentait la rupture ou l’autonomie : c’était le mauvais fils, il avait tué son père, sa danse célébrait la mort de Dieu. Myriam n’en savait pas plus, mais déjà une évidence m’attachait à lui. »
Yannick Haenel Les Renards pâles Gallimard
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