G.O. Châteaureynaud : Jeune vieillard assis sur une pierre en bois
30/11/2013
Georges-Olivier Châteaureynaud, né à Paris en 1947, est un romancier et nouvelliste français. En 1973 il publie Le Fou dans la chaloupe, un recueil de trois longues nouvelles, puis en 1974 le roman Les Messagers, qui obtient le prix des Nouvelles Littéraires. Jusqu'à l'obtention du prix Renaudot en 1982, il gagne sa vie en étant successivement caissier, monteur de roues de camion, brocanteur, bibliothécaire, tout en continuant son travail littéraire, une centaine de nouvelles et pas loin d’une dizaine de romans. Après avoir présidé la Société des gens de lettres de 2000 à 2002, il en est aujourd'hui l'un des administrateurs et depuis 2010 il est secrétaire général du Prix Renaudot.
Jeune vieillard assis sur une pierre en bois, recueil de nouvelles, vient tout juste de paraître. Je serai direct, je ressors de la lecture de cet ouvrage, littéralement emballé. Je n’ai absolument aucune critique négative ou réservée à émettre. Tout paraît si simple quand c’est si bien fait !
L’écriture coule avec une simplicité déroutante sans effet de style ostentatoire, le vocabulaire à peine ponctué ici ou là d’un joli mot moins usité n’effrayera pas le lecteur amateur. Et pourtant, quel travail et quel talent derrière tout cela, pour obtenir ce rythme tranquille et cette unité de ton à travers ces huit textes écrits entre 2002 et 2011.
Si la forme est parfaite, le fond ne l’est pas moins avec là encore une certaine unité puisque ces textes sont tous d’inspiration « fantastique », l’auteur n’aime pas le terme mais pour que ma chronique soit brève c’est le mot le plus évident qui me vienne à l’esprit. Il s’agit d’un « fantastique » de la banalité (oxymoron ?) où les héros de l’écrivain, gens très ordinaires sans qualités ou défauts particuliers, vont se retrouver à un moment de leur vie, confrontés à une situation sortant de l’ordinaire. Encore que parfois on ne sache pas réellement, s’il ne s’agit pas tout simplement d’un rêve vécu par ces personnages.
Dans Les Amants sous verre, un couple se verra confisquée sa jeunesse le temps d’une nuit d’amour par leurs hôtes très âgés, Les Intermittences d’Icare montrent un homme qui se découvre le pouvoir de voler trois fois dans sa vie, dans Diorama l’une des plus belles nouvelles de ce recueil, un vieil homme se laisse emporter par le souvenir de tous ceux qu’il a connu dans sa jeunesse, tandis que La Face perdue, pastiche des contes fantastiques de la fin du XIXe siècle, met en scène un homme qui sacrifie en vain son honneur pour une femme.
Huit nouvelles troublantes autant qu’intrigantes dont on se délectera sans modération mais derrière lesquelles se dissimulent nostalgie, amours perdus, vieillesse et mort…
« C’est là que c’est arrivé, un jour d’été semblable aux autres. L’était-il vraiment ? Plus tard j’y ai réfléchi, j’ai retourné le tiroir de mes souvenirs, j’ai tenté d’en trier le fatras. Je n’ai rien trouvé qui mérite d’être associé au prodige. Pas un signe annonciateur, aucun rêve prémonitoire, nulle concomitance. C’est venu comme ça. Mais faut-il une cause aux miracles ? Un instant j’étais soumis au joug de la pesanteur, et l’instant d’après j’en étais libéré. Une seconde mes pieds nus s’enfonçaient dans le sable grossier, et la suivante ils en étaient dégagés et flottaient une dizaine de centimètres au-dessus de leurs empreintes. »
G.O. Châteaureynaud Jeune vieillard assis sur une pierre en bois Grasset
2 commentaires
Je viens d'emprunter un recueil de munro à la bibli, mais ces nouvelles là pourraient m'aller aussi. Sans trop les enchainer non plus.
Je n’ai jamais lu Munro. Pour être franc, à priori, je ne suis pas fan des nouvelles. C’est un genre bien à part qui modifie ma manière de lire. Un roman, je m’y plonge comme dans un bain pour n’en ressortir qu’à la fin alors que les nouvelles sont de petits romans contenus dans un seul livre. Ce que j’aime c’est que le roman soit contenu dans un livre (objet) unique, même des collections comme la Pléiade, Bouquins etc. contrarient un peu mon plaisir d’unicité dans un seul objet. Cette parenthèse refermée, si ce « Jeune vieillard… » m’a emballé, il devrait plaire à tous et je vous le conseille fortement.
Les commentaires sont fermés.