Yirmi Pinkus : Le Grand Cabaret du professeur Fabrikant
02/12/2013
Né à Tel Aviv en 1966, Yirmi Pinkus est un auteur de comics, caricaturiste et illustrateur réputé. Le Grand Cabaret du professeur Fabrikant, son premier roman, vient tout juste de paraître.
Quand le professeur Markus Fabrikant, tout juste sorti diplômé (encore que rien ne soit prouvé) de l’université de Bucarest en 1878, décide de fonder un théâtre, il le fait dans un but très précis, « Je veux fonder une institution qui aura une grande valeur pédagogique et dont le but sera de porter les lumières de la civilisation à travers tout l’Empire. Il s’agit de présenter à un public juif les extraordinaires richesses de la connaissance et de la culture universelles. » Pas moins ! Ses comédiennes, il les a recrutées enfants, orphelines ou abandonnées et cette troupe à l’enseigne du Grand Cabaret, il va la mener de bourgades en patelins perdus, entre Roumanie et Pologne jusqu’à son décès en 1937. L’aventure ne s’arrêtera pas là puisque son neveu Herman héritera de la direction artistique du théâtre ambulant.
Yirmi Pinkus nous entraîne dans les cinquante années d’errance de cette troupe, devenue de fait une petite famille avec ses joies et ses peines mais aussi ses mesquineries et sa cupidité. Des sentiments très humains finalement, pour ce microcosme qui avance innocemment « Je n’ai pas peur de Hitler, malgré ce qu’il raconte sur les Juifs », trop accaparé par sa propre subsistance, vers ce que nous savons de l’Histoire à venir. L’itinérance s’achevant par un incendie, métaphore facile annonçant le monstrueux brasier qui embrasera l’Europe tout entière, à commencer par le peuple Juif.
Le roman est riche en personnages, on suit l’évolution des actrices débutant gamines et toujours sur les planches cinquante ans après ; le théâtre doit affronter mille problèmes ou situations en tous genres mais je le confesse, globalement j’ai trouvé tout cela bien long (450 pages) et j’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser à ces péripéties. Pourtant c’est bien écrit, le ton est léger même si l’issue est dramatique, on devrait se passionner pour cette histoire chahutée, le début et la fin du roman sont très bien, alors ? Le seul argument qui me vienne à l’esprit, c’est fade ! Ca manque de souffle. Comme un plat appétissant dans votre assiette, dont vous vous régalez par avance, mais qui hélas vous le constatez, n’a pas été salé correctement durant la cuisson. Un roman loin d’être mauvais, mais ça reste une question de goût…
« La situation empire… Il est temps de se rendre à l’évidence. (…) Ni la situation politique, ni la situation de la troupe ne jouent en notre faveur, il est plus que temps de l’accepter ! Les mesures discriminatoires se font chaque jour plus nombreuses, et si les nazis envahissent la Pologne – éventualité qu’il faut prendre en compte – vous pouvez être sûr qu’ils feront disparaître le théâtre yiddish. Où vendrez-vous vos billets ? En Roumanie ? Vous voyez bien ce qui arrive en Bessarabie, ça va se propager chez nous, j’en suis sûr. Passer la frontière et entrer en Russie est presque impossible, mais à supposer que vous y arriviez – qui traînerez-vous là-bas ? Six actrices de plus de soixante-dix ans, dont une diabétique et une folle. »
Yirmi Pinkus Le Grand Cabaret du professeur Fabrikant Grasset
Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz
Le texte est agrémenté de quelques délicieuses vignettes dessinées par Yirmi Pinkus dont celle-ci :
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