Truman Capote : Les chiens aboient
19/03/2014
Truman Garcia Capote - né Truman Streckfus Persons - en 1924 à La Nouvelle-Orléans, décédé en 1984 à Los Angeles, est un écrivain américain auteur de romans, nouvelles, reportages, portraits, récits de voyages, adaptations théâtrales et scénarios de films. Ses romans les plus connus, Petit déjeuner chez Tiffany (1958) et surtout De sang-froid (1966).
Les chiens aboient est un recueil de textes datant de 1951 à 1973. Initialement paru en France en 1977, il vient tout juste de ressortir dans cette nouvelle édition. Sous-titré Souvenirs, sites, silhouettes qui donne leur titre aux trois chapitres, il regroupe 23 textes courts et autobiographiques.
« Je considère ces textes brefs, ces silhouettes et ces souvenirs – notes sur certaines gens, sur certains sites – comme une sorte d'atlas personnel, de géographie de ma vie d'écrivain tout au long de trois décennies : en gros, de 1945 à ces dernières années. Tout dans ce livre est emprunté à la réalité, ce qui ne veut pas dire que ce soit là le réel à l'état brut ; mettons que c'en est la meilleure approximation possible pour moi : un reportage même, à tout prendre, ne peut se dire vérité pure ; et pas davantage l'objectif d'une caméra. Car enfin, l'art n'est pas de l'eau pasteurisée : notre façon de percevoir, nos préjugés, le choix opéré par notre sensibilité, tout cela vient troubler le cristal du Vrai absolu. »
Tous les textes ne sont pas d’un intérêt égal il est vrai. Mais on se régalera de La Rose blanche où l’auteur narre sa rencontre avec Colette dans son appartement du Palais-Royal, de Lola sorte de nouvelle se déroulant lors d’un séjour en Sicile où le personnage central est un corbeau femelle aux ailes rognées. Le portrait d’Ezra Pound et Autoportrait sont deux textes excellents eux aussi.
Truman Capote a l’écriture précise et on se délecte de l’acuité de ses jugements ou de ses portraits comme par exemple quand il évoque Humphrey Bogart « Toujours le même rôle, c’est vrai, mais il n’est rien de plus difficile à rendre sans cesse intéressant que la répétition. »
On trouvera dans ce court ouvrage des détails sur l’adaptation cinématographique de son roman De sang froid, des impressions de voyage en Sicile où il croise André Gide, à Venise ou à Tanger. Les portraits, bien qu’extrêmement courts hélas, croquent Karen Blixen, Mae West « inimaginablement virginale », Jean Cocteau et Gide, Maryline Monroe dont il note « le tortillement rythmique de volumes toujours en mouvement qui luttent pour plus d’espace dans l’infini de son décolleté ». Avec en fil rouge, une réflexion sur l’Art.
« Gide avait l’habitude, tous les matins, de rêvasser sur la place ensoleillée, assis le dos au mur, et sirotant une bouteille d’eau salée fraîchement remplie à la mer, mandarin immobile enfoui dans une pèlerine d’hiver en laine noire, et coiffé d’un sombre chapeau mou dont le large bord ombrageait sa longue et triste figure au teint sulfureux. Une idole, à sa façon ; sacrée mais sans emploi ; ne parlant jamais et n’écoutant personne, si ce n’est quelque Ganymède de village qui avait suscité un instant sa fantaisie. »
Truman Capote Les chiens aboient Gallimard L’Imaginaire – 227 pages –
Traduit de l’américain par Jean Malignon
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