Ian McEwan : Opération Sweet Tooth
04/05/2014
Ian McEwan, né en 1948 à Aldershot, est un romancier et scénariste britannique. Il a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient à Singapour, en Afrique du Nord (en Libye), et en Allemagne, où son père, officier écossais dans l’armée britannique, était en poste. Il a fait ses études à l’université du Sussex et l’université d'East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d’écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Dès le début des années 1980, Ian McEwan s’impose sur la scène littéraire britannique et plusieurs de ses ouvrages ont été adaptés pour le cinéma. Dernier roman de l’écrivain, Opération Sweet Tooth est paru il y a quelques semaines.
En Grande-Bretagne, au début des années 1970, la guerre froide est loin d'être finie. Diplômée de Cambridge, belle et intelligente, Serena Frome est la recrue idéale pour le M15. La légendaire agence de renseignements anglaise est en effet bien décidée à régner sur les esprits en subvenant aux besoins d'écrivains dont l'idéologie s'accorde avec celle du gouvernement, pour cela elle monte l’opération Sweet Tooth.
Si ce résumé évoque les romans d’espionnage, sachez qu’il n’en est rien ici, ou du moins pas dans le sens où l’entendent les amateurs du genre qui seront déçus s’ils s’y plongent sans précaution. L’agence de renseignements britannique et l’opération dont Serena Frome est un maillon actif, ne sont que le décor d’un roman qui a plus à voir avec les romans d’amour ou sentimentaux. En effet, le roman ne traite que des rapports amoureux entre Serena et Tom, elle l’officier subalterne des services secrets et lui le jeune écrivain cible de l’opération en cours. Elle, tombée amoureuse de celui qu’elle doit manipuler, contrevenant aux règles élémentaires de sa profession.
A ce décor nous ajouterons en toile de fond, une chronique des années 70, évolution des mœurs (place de la femme dans la société), politique internationale et IRA, révolution musicale etc. Et plus intéressant, mais trop court, des réflexions sur l’écriture et le roman, « Je découvrais que la lecture est faussée lorsque l’on connait l’auteur ».
Ian McEwan sait y faire, force est de le constater particulièrement pour ce roman car il n’est pas vraiment réussi. Rien n’est très crédible, du coup de foudre immédiat, aux nombreux litres de chablis engloutis par les deux amants. Ecrit un cran au-dessus des critères qui font qu’on abandonne un livre, c’est–à-dire assez bien écrit pour qu’on ne le lâche pas avant la fin, pas vraiment passionnant mais suffisamment néanmoins pour aller jusqu’au bout sans déplaisir. Le roman achevé, je ne savais pas répondre à la question : un bon livre qui ne tient pas toutes ses promesses ou un roman moyen assez bien maquillé pour faire illusion ?
Finalement je reste dubitatif. C’est bien écrit (très belle scène quand Serena retourne chez ses parents pour Noël) et le dernier chapitre est vraiment bien avec, non pas un retournement de situation mais une mise en perspective renversante très littéraire. Mais c’est tout. Un jugement désolé car l’écrivain a les moyens pour mieux faire.
« Votre tâche sera un peu plus délicate que d’habitude. Vous le savez comme moi, il n’est pas évident de déduire les opinions d’un écrivain à partir de ses romans. Raison pour laquelle nous cherchons un romancier qui écrive également des articles de presse. Nous sommes à l’affût de quelqu’un pouvant consacrer un peu de temps à ses confrères opprimés des pays de l’Est, se rendre sur place pour apporter son soutien, peut-être, ou envoyer des livres, signer des pétitions en faveur d’auteurs persécutés, affronter ici ses collègues aveuglés par le marxisme – quelqu’un qui n’ait pas peur de défendre publiquement les écrivains emprisonnés par Castro à Cuba. Qui aille à contre-courant de l’orthodoxie ambiante. Il faut du courage, Miss Frome. »
Ian McEwan Opération Sweet Tooth Gallimard – 440 pages -
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon
4 commentaires
J'ai tendance à être d'accord, quand on connait l'auteur (ne serait -ce que de nom, et qu'on l'aime) on n'est peut être plus objectif. J'ai donc englouti ce roman, et aussi Expo 58 de Coe, parce que de toute façon j'aime ce type de roman, pas parce que ce sont des chefs d'oeuvre.
Après trois romans lus de cet écrivain je m’interroge encore. Oui, je prends du plaisir à le lire, mais c’est un plaisir immédiat qui s’achève aussitôt le roman terminé. Ce qui est déjà pas mal me direz-vous avec raison ! Ce que je lui reproche (hum ! hum !) en fait, c’est que dans chaque ouvrage, il aborde des points intéressants mais très superficiellement ou de manière diffuse ; en les appuyant un peu plus, ses bouquins prendraient plus d’envergure. Il me semble.
Bonsoir Le Bouquineur, je confirme que ce n'est pas le meilleur roman de l'écrivain mais j'ai trouvé que McEwan est doué pour se mettre dans la peau d'une jeune femme. Bonne soirée.
Comme je l’ai dit, je trouve les bouquins de l’écrivain très agréables à lire et c’est déjà très bien – je le répète – mais il semble s’arrêter au seuil d’un palier qui en ferait un excellent auteur. Mais j’en conviens, je chipote un peu car je suis souvent un peu déçu quand je referme ses ouvrages.
Les commentaires sont fermés.