Emile Zola : Le Docteur Pascal
06/05/2014
Émile François Zola (1840-1902) écrivain et journaliste, est considéré comme le chef de file du naturalisme. C’est l'un des romanciers français les plus populaires, l'un des plus publiés, traduits et commentés au monde. Sur le plan littéraire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, fresque romanesque en vingt volumes dépeignant la société française sous le Second Empire et qui met en scène la trajectoire de la famille Rougon-Macquart à travers ses différentes générations. Les dernières années de sa vie sont marquées par son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L'Aurore, de l'article intitulé « J’Accuse…! » qui lui a valu un procès pour diffamation et un exil à Londres.
Le Docteur Pascal publié en 1893, est le vingtième et dernier roman de la série des Rougon-Macquart.
Le docteur Pascal Rougon, cinquante-neuf ans, vit à Plassans où il poursuit depuis trente ans un travail sur l’hérédité, accumulant sur chaque membre des Rougon-Macquart des dossiers que sa mère aimerait détruire, car ils pourraient compromettre la postérité de la famille. A ses côtés, Martine la servante et Clotilde, la nièce que Pascal héberge depuis qu’elle est enfant, aujourd’hui jeune fille de vingt-cinq ans. Cédant à une folle passion incestueuse, Pascal et Clotilde vivent un bonheur absolu durant une année jusqu’à ce que le notaire du village ne file avec les économies des épargnants. Ruiné, Pascal doit se résoudre, contre sa volonté, à se séparer de Clotilde. Il y est poussé en particulier par sa mère, inquiète du scandale grandissant et pensant resserrer ainsi son étau autour de Pascal et de ses documents. Pascal envoie donc Clotilde à Paris, où elle doit soigner son frère Maxime, atteint d’ataxie. Resté seul avec la servante, le docteur, rongé par le chagrin, meurt deux mois plus tard d’une sclérose du cœur. Avant de mourir et alors qu’il vient d’apprendre que Clotilde porte un enfant de lui, il rappelle celle-ci à son chevet mais elle arrive deux heures après sa mort. Surtout, elle ne peut empêcher la destruction des documents du docteur, brûlés par Félicité et Martine. Quand le roman s’achève, Clotilde donne le sein à son fils, confiante en l’avenir et heureuse « qu’après tant de Rougon terribles, après tant de Macquart abominables, il en naissait encore un » qui peut-être sauverait les autres.
J’ai tenté de résumer au plus court le roman, mais vous connaissez Zola, j’ai méchamment élagué ! Le lecteur s’émerveillera une dernière fois donc, de retrouver le ton des vieux romans et les situations démodées, pour nous aujourd’hui, des anciens temps. Citons les rapports sentimentaux, les épanchements de désespoir grandiloquents, les détails du quotidien comme l’ampleur des menus, des rebondissements qu’on n’accepterait plus dans la littérature contemporaine (la combustion de l’oncle Macquart !!) etc. Mais c’est aussi ce qu’on aime dans ce type de roman car Zola ne se lit pas d’un œil distrait (sinon on abandonne bien vite), au contraire on s’y laisse couler et envahir par le texte, bercé par ses descriptions précises.
Avec cet ultime volet des Rougon-Macquart, Zola nous invite à revisiter la saga au travers des dossiers tenus par Pascal, sur chaque membre de la famille, s’en servant comme milieu d’étude pour développer ses théories sur l’hérédité, « Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par les milieux. » Là aussi le lecteur devra garder du recul, les sciences progressent, ce qui était vrai du temps de Zola ne l’est plus obligatoirement de nos jours. Autre angle abordé, l’opposition entre Science et Religion quand au début du roman, le docteur doit affronter Clotilde en pleine crise de mysticisme après avoir entendu les sermons d’un nouveau prêtre à la cathédrale. Néanmoins, au fil du roman, les positions de Pascal et Clotilde évolueront, tendant à se rapprocher dans une sorte de compromis, un véritable hymne à la vie. « L’amour, comme le soleil, baigne la terre, et la bonté est le grand fleuve où boivent tous les cœurs. »
« Alors, ce fut, pour Pascal, une émotion extraordinaire. Il avait pris le bras de Clotilde, il le serrait violemment, sans qu’elle pût comprendre. C’était que, devant ses yeux, s’évoquait toute la lignée, la branche légitime et la branche bâtarde, qui avait poussé de ce tronc, lésé déjà par la névrose. Les cinq générations étaient là en présence, les Rougon et les Macquart, Adélaïde Fouque à la racine, puis le vieux bandit d’oncle, puis lui-même, puis Clotilde et Maxime, et enfin Charles. Félicité comblait la place de son mari mort. Il n’y avait pas de lacune, la chaîne se déroulait, dans son hérédité logique et implacable. Et quel siècle évoqué, au fond du cabanon tragique, où soufflait cette misère venue de loin, dans un tel effroi, que tous, malgré l’accablante chaleur, frissonnèrent ! »
Emile Zola Le Docteur Pascal La Pléiade tome V
Incontournable Pléiade avec arbres généalogiques et index de tous les personnages cités
Les commentaires sont fermés.