William Trevor : Les Enfants de Dynmouth
23/06/2014
Sir William Trevor de son vrai nom William Trevor Cox est né en 1928 dans le comté de Cork en Irlande. Romancier, nouvelliste, dramaturge et scénariste, lauréat de nombreux prix littéraires aussi bien en Irlande qu'en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, membre de l'Académie irlandaise, il a été anobli par la reine Élisabeth II d'Angleterre. Les Enfants de Dynmouth, date de 1976, il vient tout juste d’être traduit en français.
Dynmouth est une charmante petite ville du Dorset, en bord de mer, « avec ses salons de thé et ses dentelles », typique de cette Angleterre où évolueraient bien volontiers les personnages d’Agatha Christie ou bien l’inspecteur Barnaby (série diffusée sur France3), paisible pour les uns, un peu ennuyeuse pour d’autres. Alors que la kermesse de Pâques approche, le train-train quotidien de certains de ses habitants va être troublé par un jeune garçon de quinze ans, Timothy Gedge. Le père est parti depuis bien longtemps, sa mère et sa grande-sœur absorbées par leurs vies assez libres le laissent pousser tout seul. Le gamin s’étant mis en tête de présenter un sketch pendant la kermesse, s’adresse aux uns et aux autres afin d’obtenir les accessoires qui lui sont nécessaires pour son spectacle, un costume d’homme, une robe de mariée, une vieille baignoire et un rideau de scène. Timothy sait très bien à qui il doit présenter ses requêtes car il a depuis longtemps l’habitude d’épier les gens par leurs fenêtres et d’entrer chez eux sous prétexte de menus travaux contre de l’argent de poche. Si ses demandes sont prises à la légère dans un premier temps, elles rencontrent un autre écho quand Timothy Gedge commencent à divulguer ce qui ressemble à des secrets bien gardés, le capitaine Abigail serait attiré par les jeunes garçons, Mr Plant se paye du bon temps avec des femmes du village, le père de Stephen aurait tué son épouse pour se remarier.
Tout le charme du roman réside dans l’écriture de William Trevor, ce qui n’est plus une surprise pour moi depuis que j’ai lu Cet été là, une pure merveille. Délicatesse, finesse et retenue, l’écrivain tisse des décors de sérénité, puis petit à petit, par petites touches, les propos de Timothy sont autant de graines du doute, poison mortel qui va lever dans les esprits des personnages comme du lecteur. Le gamin est un peu « spécial », ses propos tombent comme cheveux sur la soupe souvent, son aplomb pour s’incruster chez les gens exaspère, puis le harcèlement envers ses « victimes » devient franchement crispant. Le lecteur se prend à s’agacer de ces adultes manquant de clairvoyance et d’autorité.
William Trevor enfonce le coin profondément, Timothy est un catalyseur au sein de ce microcosme, allégations mensongères, interprétation erronée de faits avérés ou turpitudes réelles ? Le manque de communication entre les acteurs, les silences coupables, profitent à la gangrène du mal et si tous cèderont aux exigences du gamin, ce sera pour de mauvaises raisons.
Excellent roman. Très belle analyse psychologique de caractères, toute en finesse, et d’un gamin ni dieu, ni diable, mais terriblement seul et livré à lui-même au sein d’une société banale, présentant tous les signes de la respectabilité tranquille.
« Timothy Gedge avait une quinzaine d’années, il était en plein dans cet âge dit ingrat, le visage carré, anguleux, les épaules maigres, les cheveux courts presque blancs, un regard vorace qui lui donnait l’air prédateur, les joues creuses. Il portait toujours les mêmes vêtements : un jean jaune pâle, un blouson jaune à fermeture éclair et, la plupart du temps, un tee-shirt jaune lui aussi. Il vivait avec sa mère et sa sœur, Rose-Ann, dans un lotissement social appelé « Cornerway ». Inscrit au lycée de Dynmouth, ce n’était pas un élève particulièrement brillant. Il adorait jouer des tours, une habitude qui le faisait parfois paraître excentrique. Il riait souvent, d’un grand sourire jusqu’aux oreilles. »
William Trevor Les Enfants de Dynmouth Phébus – 237 pages –
Traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Odile Fortier-Masek
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