Pourquoi lisez-vous ?
03/10/2014
Mais pourquoi lisez-vous, me demandent souvent les gens qui ne lisent jamais. Je comprends que ça puisse leur paraître suspect, une activité pratiquée en solitaire qui souvent réclame du calme ou bien de s’enfermer dans sa bulle, à une époque où l’on doit sans cesse bouger, remuer, discuter perpétuellement avec Pierre, Paul ou Jacques au téléphone ou par réseaux sociaux interposés. Ca intrigue et quand ça intrigue, on n’est pas loin d’inquiéter.
Bien entendu la raison n’est pas unique et chaque lecteur a au moins la sienne. En vrac et sans trop chercher, je pourrais avancer les motifs suivants : s’instruire, voyager et découvrir le monde et les gens, explorer la nature humaine, trouver des amorces de réponses à des questions existentielles, se laisser embarquer dans des histoires improbables. Ou bien rire, sourire, pleurer, s’émouvoir, s’étonner, être surpris, trembler ou frissonner de peur… Tous ces cas pouvant être cumulés et panachés entre eux.
Notez néanmoins que je n’ai pas cité « pour passer le temps », ça c’est l’argument de ceux qui ne lisent que très peu. Je ne le connais pas personnellement car il sous-entend qu’on lit n’importe quoi, le temps qu’arrive l’heure de faire autre chose de bien plus intéressant et dans ces conditions, lire le Bottin téléphonique ferait aussi bien l’affaire.
On peut aussi aimer lire pour se régaler d’un beau texte, d’une langue écrite qui ravisse l’oreille par son rythme très musical. Pour se souvenir que grammaire et syntaxe ne sont pas de vains concepts, qu’un mot rare glissé ici ou là n’est pas une entrave à la compréhension mais une porte qu’il faut ouvrir pour découvrir un modeste trésor dont on se régalera secrètement, sachant pertinemment qu’il nous sera difficile à caser dans nos discussions courantes.
Chaque livre recèle sa ou ses vérités, chaque bouquin est une petite aventure qu’on s’offre à peu de frais, bien au chaud dans notre cocon. Ceux qui ne lisent pas nous reprochent le plus souvent, de vivre par nos lectures la vie des autres, et donc de ne pas vivre. Sauf que lire et vivre ne sont pas antinomiques, personnellement j’y verrais plutôt une complémentarité : lire et comparer le lu avec le vécu, ou bien vivre et s’expliquer le vécu par la lecture de maîtres plus chevronnés.
Le seul bémol que je puisse mettre à la lecture, c’est de tomber dans un travers que je sais possible pour l’avoir souvent frôlé, c’est l’excès. Devenir un lecteur obsessionnel, ne plus penser qu’à cela, comme par exemple se ruer sur les nouveautés de la rentrée littéraire espérant toutes les ingurgiter, se lamenter de n’avoir pas eu le temps de lire intégralement les œuvres de Balzac ou Jules Verne etc. Mais il en est de cet excès comme des autres, une pathologie qui doit être soignée… Ah bon ?
Mais au fait, et vous, pourquoi lisez-vous ?
13 commentaires
Lu, dans mes déambulations matinales, partagé sur facebook, et je reviens!
Je lis parce que les mots font partie de moi.... et que je fais partie des mots !
Pourquoi pas ? C’est une explication qui en vaut bien d’autres même si, au-delà de sa jolie formulation elle reste un peu sibylline, non ?
A vous relire, ma foi, rien à ajouter de vraiment fulgurant, vous exprimez fort bien mon ressenti. Peut être lire car c'est un besoin? Sinon, pourquoi ne pas éteindre la lumière le soir sans avoir lu au moins une ou deux pages? Ou alors cela ferait partie du rituel du sommeil, allez savoir...
Un besoin, cela est certain. On peut même dire vital car si par hasard je n’ai pas pu lire au moins une page ou deux dans ma journée, j’en ressens cruellement le manque, d’où une suspicion d’addiction qui nous ramène à ma crainte de tomber dans la lecture obsessionnelle…
Je ne sais pas vraiment pourquoi je lis (il y a sans doute mille raisons qui varient en fonction de ce qu'on lit). Mais une des choses que j'aime dans la lecture, c'est cette impression de dialoguer avec l'auteur. Pour moi d'ailleurs, un des dangers de la lecture, plus que l'addiction, ce serait de faire paraître toutes les autres conversations, les vraies, sans intérêt. Le danger serait donc celui du repli sur soi. Mais peut-être que les grands lecteurs ont des dispositions pour le repli ?
Commentaire intéressant ! « Dialoguer avec l’auteur », j’ai l’ai très souvent entendu dire, or personnellement, je n’ai jamais ressenti ça. Même si je suis en parfaite symbiose avec ce qu’écrit un auteur, jamais je n’emploierais cette expression sans que je puisse réellement dire pourquoi plus précisément. Quant au repli sur soi, je suis parfaitement d’accord avec vous ; je n’ai pas assez d’éléments en ma possession pour affirmer que ce serait une tendance générale pour les gros lecteurs, mais je confirme qu’elle vraie pour moi…
J'ai ma petite théorie là-dessus, mais elle ne vaut sans doute pas tripette...
Lire est une façon de plus d'éloigner la mort, si l'on est pas croyant. Dans un livre, il y a une vie entière, ou au moins l'histoire d'une vie, ou d'un moment d'une vie que l'on peut s'accaparer et intégrer a son horizon personnel, dont on peut se nourrir... Je l'ai souvent ressenti en lisant des biographies. En un jour, une semaine, l'espace d'une lecture, je vampirise toute la vie d'un personnage. Je la fais mienne, je la compare à d'autres, elle m'appartient, que ce type ait passe dix ans au pouvoir ou vécu 80 ans, je tiens au creux de ma paume une vie entière... Et ça me rassure sur ma propre finitude, ça signifie que dans une vie d'homme - où de femme - il y a de la place pour plusieurs vies... Les nôtres et celles d'autrui.
Le temps qui passe trop vite lorsque l'on travaille passe du coup plus lentement, il s'arrête presque.
On lit parce que c'est la seule façon d'inverser la courbe du temps qui nous mène logiquement vers la fin, tic tac, tic tac...
« On lit parce que c'est la seule façon d'inverser la courbe du temps qui nous mène logiquement vers la fin » … j’aime beaucoup cette théorie. Je ne l’avais pas citée dans mon billet, pourtant c’est une réflexion que j’avais déjà eu l’occasion de me faire. En tout cas, merci pour ce commentaire qui élève le niveau des débats.
Parce que très tôt, j'ai ressenti la fascination des mots...et que j'y reviens comme aimantée...même si je peux rester sans lire...quelques jours, quelques semaines...Je ne conçois pas de vivre privée de livres...
Très belle et très véridique votre formule « très tôt, j'ai ressenti la fascination des mots ». Par contre, je suis incapable de rester ne serait-ce qu’une seule journée sans lire au moins une page ou deux. Les rares fois où cela se produit, je suis quasiment en manque comme on le dirait d’une addiction à la drogue. Je ne cherche pas à me soigner car je considère que cela n’est pas bien grave…. Mais peut-être ai-je tort ?
J'aurais du précisé que j'ai toujours au moins un livre de poésies à portée de main, et que j'en ouvre une page ou une autre entre la lecture de romans ou autres ouvrages. Les livres sont partout, chambre, salle de bains, séjour, ils envahissent le divan de mes heures de repos, ce sont des présences dont j'ai un besoin vital. Quand je dors, dans mes rêves, je lis encore...C'est tout dire !
« J'aurais du précisé » … tu m’étonnes ! Effectivement votre complément de commentaire n’est pas anodin, je dirais même qu’il est primordial pour comprendre votre intérêt pour la lecture…
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