Melinda Moustakis : Alaska
23/10/2014
Melinda Moustakis est née à Fairbanks en Alaska et a grandi à Bakersfield en Californie. Petite fille de pionniers et nièce d’un pêcheur de truites, elle est âgée d’à peine trente ans et Alaska son premier ouvrage, vient de paraître.
Alaska est un recueil de nouvelles mais si ce n’était pas écrit dessus, on pourrait croire qu’il s’agit d’un roman, tant les textes sont liés entre eux. Le roman d’une vie, évoquée par flashes de souvenirs ou de faits s’étalant sur une longue période indéterminée mais actuelle. Dans ces conditions il est très difficile et je ne m’y risquerai pas, d’en faire un résumé. Disons qu’il est question de pêche, de cabane au fond des bois et de toilettes rustiques construites à part, d’ours et d’élans, de neige épaisse, pour les décors. Quant aux acteurs, il y a une grande famille pas très riche (« on est toujours obligés de manger des flocons d’avoine, du foie d’élan et des lapins si on arrive à en attraper »), un père violent quand il a bu, une sacrée bonne femme de mère, des enfants de tous âges dont l’un est muet, un grand-père et des tantes et des cousins… On suit tant bien que mal les aventures difficiles ou douloureuses des uns et des autres.
Tant bien que mal, car le plus notable dans cet ouvrage, c’est le style de Melinda Moustakis. Voilà un bouquin qui tranche avec le reste du catalogue de l’éditeur – bien que je n’en ai pas tout lu bien évidemment, mais beaucoup quand même. Melinda Moustakis décape, selon les textes son écriture diffère mais le plus souvent elle surprend. Mots accolés (« Nous scotchons ensemble le râteaubalaipelle. »), tournures de phrases improbables ou baragouin d’enfants, situations qui ne s’expliquent qu’à posteriori, entrée de personnages non présentés. Tout n’est pas clair ou compréhensible immédiatement. Des chapitres sont faits de sous-chapitres extrêmement courts, des mini-nouvelles. Parfois au contraire, on tombe sur un texte à l’écriture beaucoup plus classique. De ce fracas émergent des nouvelles superbes et émouvantes comme Morsure (p. 107), Un autre animal (p. 117) ou ce Premiers secours (p. 176) un mini-texte.
Un premier bouquin qui ne laisse pas indifférent par sa forme atypique et des images fortes, à la hauteur de cet Etat américain où survivre vous occupe à plein temps.
« Le mari de la femme frappe à la porte. Ils le cherchaient. Du sang imprègne le devant de sa chemise. Ils n’ont pas entendu de détonation. Peut-être un coup de hache, mais il n’y a pas de blessure. Une épaisse odeur familière les tranquillise. Il titube sur le pas de la porte et s’écroule. Deux amis le portent jusqu’au bateau, et il vomit un liquide rouge dans la rivière. La femme regarde le bateau qui s’éloigne et les laisse derrière, l’île et le sang. – C’est la dernière fois, dit-elle. Elle acquiesce comme elle a déjà souvent acquiescé, elle jette des serviettes sur ce désastre et essuie le sang du bout de sa botte. Puis elle plonge les serviettes dans la rivière et les essore. »
Melinda Moustakis Alaska Gallmeister – 207 pages –
Traduit de l’américain par Laura Derajinski
2 commentaires
J'ai lu les premières pages disponibles sur le site de l'éditeur, j'ai bien accroché.
Pour nos autres lecteurs, moins expérimentés, je tiens à préciser une fois encore que Melinda Moustakis utilise un style d’écriture très personnel. C’est un atout, car cela nous offre un roman très original dans sa forme, mais c’est aussi une faiblesse, car sa compréhension n’en est pas aisée et d’ailleurs au final, je reste globalement perplexe…
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