James Salter : Et rien d’autre
26/10/2014
James Salter, né en 1925 à New York sous le véritable nom de James A. Horowitz, est écrivain et scénariste. Son premier livre basé sur son expérience de pilote de chasse durant la guerre de Corée, The Hunters paru en 1956, a été adapté au cinéma avec Robert Mitchum en 1958. Et rien d’autre, son tout nouveau roman, vient de paraître.
Philip Bowman, jeune homme issu d’une famille modeste aux parents séparés, rentre aux Etats-Unis après avoir connu les combats du Pacifique au cours de la Seconde guerre mondiale. Il rêve d’être journaliste mais ne dénichera qu’une place dans le monde de l’édition littéraire à New York - ce qui nous vaut quelques digressions intéressantes -, où finalement il fera son trou. Sa situation professionnelle assurée, il tentera d’acquérir une maison pour y bâtir un foyer durable avec celle qui doit être le grand amour de sa vie. Cette quête du bonheur conjugal est au cœur de ce roman.
Il y a des livres comme des bouteilles de vin, à peine entamés on sait qu’ils seront bons. Et celui-ci, croyez m’en, est un sacrément bon cru. Nous allons suivre Philip Bowman, de sa jeunesse aux armées jusqu’à ce qu’on appelle l’âge mûr, à travers une chronologie à peine notifiée par l’écrivain si ce n’est deux ou trois fois, par un indice abrupt comme celui-ci qui vient clore un chapitre : «Quelque chose de terrible venait de se produire. Le Président avait été assassiné à Dallas. » Ténu mais extrêmement précis.
Après des débuts dans la vie assez réservés avec les femmes, Bowman va se rattraper et certaines auront une grande place dans sa vie, au point qu’il pensera avoir trouvé celle qu’il cherche en vain. Il y aura Vivian, la première et qu’il épousera, puis après son divorce il aura des espoirs avec Enid rencontrée à Londres, ou bien Christine qui le larguera et lui piquera sa maison, et bien plus tard, Ann, une collaboratrice sur son lieu de travail qui semblera boucler une boucle de recherches au loin, alors que sous ses yeux l’attendait son Graal. Mais le lecteur restera sur une interrogation car le roman s’achève en laissant la porte ouverte à toutes les possibilités. Les dernières pages touchant au sublime, mêlant les souvenirs d’une vie passée, l’évocation de la mort qui viendra obligatoirement un jour pas si lointain et un projet à court terme, comme un feu d’artifice final pour Philip Bowman.
Le roman a un charme fou, dû à l’écriture somptueuse de James Salter. Je me suis délecté à le lire, profitant de chaque page et m’attristant d’en voir venir la fin. Les personnages secondaires entrent et sortent, magistralement décrits, au point que parfois on s’imagine les voir jouer un rôle plus important alors qu’ils ne font que passer. Même les scènes de sexe – car il y en a – belles et crues parfois, sont splendides, je le note tant c’est rare, mais une preuve de plus du grand talent de l’écrivain.
Les critiques sont unanimes sur les qualités de ce bouquin et je ne peux que me joindre à ce concert de louanges. Roman des rêves non exaucés sans pour autant en faire une vie ratée, un très grand roman… et rien d’autre.
« Ils éditaient de grands livres, aimait à répéter Baum, mais seulement par nécessité. Pas question de refuser un best-seller par principe. L’idée, disait-il, était de payer peu et de vendre par brassées. Au mur de son bureau était accrochée une lettre encadrée d’un collègue et ami, éditeur expérimenté, à qui on avait demandé de lire un manuscrit. (…) Rien ne nous est épargné, sauf peut-être le plus obscène. Ce livre ne vaut rien. « On en a vendu deux cent mille exemplaires, se vanta Baum, et il est en cours d’adaptation au cinéma. Le plus gros succès qu’on ait jamais eu. J’ai fait encadrer cette lettre pour ne pas oublier la leçon. » »
James Salter Et rien d’autre Editions de l’Olivier – 365 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville
4 commentaires
Bonjour Le Bouquineur, je reconnais toutes les qualités d'écriture à ce roman mais j'avoue que Philip Bowman n'est pas un personnage qui m'a séduite. C'est un roman très (trop?) masculin. Bonne journée.
Je n’ai jamais dit que le héros du livre était attachant ! Mais je suis d’accord avec vous pour y voir un roman très masculin, typique de l’auteur, au vu des deux bouquins de l’écrivain que j’ai lus, avec « Une vie à brûler ».
J'espère bien le lire, et cela ne me dérange pas qu'il soit vu comme "masculin" (quand je regarde mes lectures, la touche féminine est rare, je vais faire un effort ^_^)
Un effort dont vous ressortirez récompensée car c'est un bon roman !
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