Frédéric Lenormand : La Jeune fille et le philosophe
23/02/2015
Frédéric Lenormand, né en 1964 à Paris, est un écrivain français. Après un bac de langues en 1982 (il parle russe, anglais et italien), il poursuit ses études à l'Institut d'études politiques de Paris puis à la Sorbonne. Entré en littérature à la fin des années 80, il est l’auteur – notamment - de romans policiers historiques (La série Voltaire mène l'enquête) et d'ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse. Le roman, La Jeune fille et le philosophe, est paru en 2000.
En 1760, Voltaire le plus célèbre écrivain du siècle recueille dans sa demeure de Ferney en Suisse, Marie, dix-huit ans, arrière-petite-nièce de Pierre Corneille, le plus grand dramaturge français. Secondé avec énergie par Madame Denis, le vieillard excentrique et cabotin désire se faire valoir auprès de toute l'Europe en faisant de Marie, grâce à la littérature, la jeune fille idéale selon les philosophes. Mais il est loin de se douter que la petite Corneille mettra à profit cette belle éducation pour penser par elle-même et n'en faire qu'à sa tête.
Roman historique basé sur une histoire vraie, tirée de la correspondance de Voltaire, La Jeune fille et le philosophe est un conte dans la droite ligne de ceux écrits par François Marie Arouet dit Voltaire qui nous plonge dans la vie du philosophe. Car si Frédéric Lenormand fait œuvre de fiction puisqu’il s’agit d’un roman, les personnages gravitant autour des acteurs principaux sont bien réels comme ces Titon de Tillet, Elie Catherine Fréron ou Pindare Le Brun… En utilisant un style faussement ancien mais parfaitement raccord avec son sujet tout en restant très moderne pour ne pas barber son lecteur, l’auteur se coule idéalement dans le moule où il a décidé de l’entraîner.
Et durant un certain temps, on se régale. Les dialogues sont courts et vifs, l’humour suint à toutes les lignes, le Voltaire de Lenormand nous paraît familier, genre Woody Allen pour son aspect malingre, son hypocondrie et son sens de la répartie. Le récit est truffé de formules qui font mouche « Les vrais philosophes, reprit son oncle, assurent que l’incrédulité est la source de la sagesse ; ils enseignent donc à ne rien croire de ce qu’ils disent. » Quelques piques sur la littérature ne manquent pas de sel « Il y a une arrogance insensée des écrivains, de nos jours : parce qu’ils écrivent, ils voudraient être lus ! »
Le bouquin est aussi une mise en perspective, à travers l’éducation de la jeune Marie, de l’opposition farouche qui opposa Voltaire et Jean-Jacques Rousseau et l’auteur n’oublie pas non plus de nous rappeler le rôle du philosophe dans la célèbre affaire Calas. Un moyen ludique de réviser ses classiques.
On le voit, le roman ne manque pas d’atouts pour séduire mais pourtant, après la jubilation, au fil des pages un léger ennui mal défini gagne le lecteur. Humour répétitif ? A moins que ce ne soient les caractères trop peu creusés de Voltaire et Marie, une superficialité qui nuit à l’ensemble, comme un manque de sel dans un plat ? Globalement un bon roman mais qui peine à tenir la distance.
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« On parla de l’Encyclopédie qui visait à répandre le savoir dans le peuple. Cette idée faisait bondir le patriarche. – On ne doit pas donner au peuple le savoir avant le pouvoir ! Si l’on supprime l’ignorance, les gens vont ouvrir les yeux sur leur misère, et si l’on supprime en même temps la superstition, comment supporteront-ils leur sort ? Un pauvre qui se sait pauvre est deux fois plus malheureux. Vive l’ignorance, vive la religion, vive la bêtise ! Mlle Corneille regarda l’intelligence du siècle faire l’éloge de la stupidité. »
Frédéric Lenormand La Jeune fille et le philosophe Fayard - 363 pages -
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