Jean d’Ormesson : Au revoir et merci
10/05/2015
Jean Bruno Wladimir François de Paule Lefèvre d’Ormesson, né en 1925, est un écrivain, chroniqueur, éditorialiste, acteur et philosophe français, membre de l’Académie française depuis 1973. Neveu du diplomate Wladimir d'Ormesson, il est le père de l'éditrice Héloïse d'Ormesson et le cousin du député Olivier d'Ormesson. Membre de la famille Le Fèvre d'Ormesson appartenant à la noblesse de robe, il porte le titre de courtoisie de comte d'Ormesson.
Evènement très exceptionnel, Jean d’Ormesson vient d’entrer dans la Pléiade de son vivant et ce volume dans ma bibliothèque, pour des raisons personnelles qui n’ont pas à être développées ici. Le volume contient quatre romans, Au revoir et merci (1966), La Gloire de l’Empire (1971), Au plaisir de Dieu (1974) et Histoire du Juif errant (1990). Je n’avais jamais lu d’Ormesson car si l’homme, bon client pour les télévisons et radios, m’était plutôt sympathique, je m’étais fait un a priori sur son œuvre qui ne m’incitait guère à le lire.
Roman autobiographique sur ses quarante premières années, Au revoir et merci est le quatrième roman dans la production de l’écrivain. Il y évoque longuement sa famille et tout son arbre généalogique flatteur qui remonte assez loin dans le temps et l’Histoire, son père bien sûr mais non sa mère, « … ce qui se passe entre elle et moi ne regardera qu’elle et moi. » On ne manque de rien chez les d’Ormesson et il le reconnait volontiers, on voyage, on connait du beau monde. Le jeune Jean ne sait que faire de sa vie jusqu’à ce qu’il se mette à écrire son premier roman, L’Amour est un plaisir, qui paraît en 1956. Il y a sur l’écriture et le métier d’écrivain des passages intéressants et déjà très modernes (« Tout le monde veut écrire, tout le monde écrit. »)
Quand l’auteur abordera rapidement son court passage dans l’Armée, le lecteur se surprend à y voir une version anticipée du sketch de Pierre Palmade, car l’humour et la dérision ne manquent pas sous la plume de l’académicien. Il est aussi question du bonheur, car « c’est une question sérieuse de savoir s’il s’agit d’abord d’être heureux. » De ses premières amours aussi et là, l’auteur n’hésite pas à provoquer, même si nous ne sommes pas certains que la vantardise ne prenne le pas sur la véracité, « Il m’en est arrivé, comme à tout le monde : filles inconnues baisées dans le train, en avion, dans les sous-sols d’Inno-France, dans les toilettes de cinéma. » Et puis il parle de l’argent, sa place et son rôle, qui revient en leitmotiv…
Au final, mon a priori du début en ressort conforté par cette lecture. Le bouquin est bien écrit, de cette écriture classique des écrivains amoureux de la langue, celle qu’on pratiquait au début du siècle dernier ; mais derrière l’élégance de la forme, je n’en retire pas grand-chose, aucuns faits réellement intéressants, des réflexions pas vraiment profondes. Un ennui poli mâtiné d’un agacement certain par les chichiteuses répétitions où l’auteur dénonce son absence de talent ou de génie, la fausse modestie ostentatoire atteignant l’effet inverse au but recherché.
« La curiosité, l’envie, l’insatisfaction – et peut-être aussi la paresse – me poussèrent enfin presque irrésistiblement à écrire un roman. Je n’avais, Dieu et les critiques me pardonnent, à peu près rien à dire. A peu près rien ? Rien. Rien du tout. J’avais peu lu et je n’avais pas vécu. J’aimais bien le soir qui tombe, la Provence, le bord de la mer, j’aimais beaucoup le soleil. J’avais eu deux ou trois aventures qui n’avaient pas toujours – loin de là – été à mon honneur. J’écrivais comme un autre. A peine mieux. C’était peu pour faire un bon livre. (…) Bref, tout cela n’était pas grand-chose. L’important résida pour moi dans la page blanche, dans l’éditeur et dans la correction des épreuves. C’est dire la profondeur de l’inspiration. »
Jean d’Ormesson Au revoir et merci La Pléiade - 170 pages –
Sans chercher à polémiquer, je m’amuse de lire sur le site du Figaro, en date du 8 mai 2015, une défense de l’étude du latin et du grec, alors que lui-même écrivait dans ce roman « Au revoir et merci » en 1966 : « Comme l’Eglise catholique elle-même, je doute fort, très fort, du destin éternel des études grecques et latines. Pourquoi ne seraient-elles pas, elles aussi, appelées un jour à disparaître ? La disparition de l’enseignement du latin et du grec, encore sacro-saint dans nos routines bien pensantes, je ne vois pas en quoi elle mettrait en danger l’intelligence ni même la culture. » Comme quoi, même un Académicien peut dire tout et son contraire… surtout quand il devient très âgé ?
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