Jake Hinkson : L’Enfer de Church Street
13/05/2015
Jake Hinkson est né en 1975 dans l’Arkansas, d’un père charpentier et diacre dans une église évangélique et d’une mère secrétaire dans une église. L’un de ses deux frères est pasteur. Dans sa jeunesse il se passionne vite pour la lecture de polars (Mickey Spillane, Hammett, Chandler, Jim Thomson). « Les deux obsessions de mes jeunes années – la religion et le crime – m’habitent encore aujourd’hui » aime-t-il à dire. Aujourd’hui, il vit à Chicago avec sa femme et écrit des articles sur le cinéma pour des magazines. Après un recueil de nouvelles encore inédit chez nous, L’Enfer de Church Street, son premier roman, vient de paraitre en France.
Geoffrey Webb se fait braquer sur un parking mais contre toute attente, il n’a absolument pas peur de l’arme pointée sur lui et même, il prévient son agresseur qu’il ne se laissera pas dépouiller, par contre il lui propose un deal. Prendre les trois milles dollars contenus dans son portefeuille à condition de l’emmener à Little Rock en Arkansas, à plusieurs heures de route de là, pour y accomplir son destin. Ce trajet sera l’occasion pour lui de confesser ses fautes et ses crimes, bien qu’il sache « qu’il n’y a pas de pardon ni de bienveillance qui puisse changer ce que j’ai fait. »
Une petite ville au cœur de l’Amérique. Geoffrey Webb, aumônier de l’Eglise baptiste pour une vie meilleure dirigée par Frère Card, tombe amoureux d’Angela, sa fille mineure, « sans attrait, grosse ». A partir de là, les ennuis vont s’enchaîner mécaniquement, aux chantages vont répondre les meurtres et comme le shérif est loin d’être un saint…
Autant le dire franchement, j’ai été un peu déçu par ce roman. Son titre et son éditeur, m’avaient laissé imaginer un bouquin très noir, or ce n’est pas ce que j’en retiens et c’est aussi en cela que je suis passé à côté de ce roman. Jamais je ne me suis impliqué émotionnellement dans cette histoire, jamais je n’ai tremblé pour le sort réservé à tel ou tel acteur de ce drame. J’ai suivi l’histoire sans m’ennuyer, certes, mais sans impatience ou curiosité excessive quant à son dénouement. En fait, j’ai été pris à contrepied par le ton général de l’ouvrage. Jake Hinkson ne force pas sur le trait noir, même si les éléments dramatiques d’un point de vue factuel, sont nombreux j’en conviens ; il y a au contraire, me semble-t-il, quelque chose d’humoristique ( ?) dissimulé dans le ton de son écriture. J’en veux pour preuve, cette scène où la vieille mère du shérif décédé vient voir et menacer Geoffrey Webb à l’hôpital, ça fait un peu Pieds Nicklés !
Le roman n’est pas mauvais, loin de là, je l’ai lu sans m’ennuyer mais il n’est pas indispensable non plus. Et il est toujours instructif de voir comment un scénario unique aurait pu être traité par un autre écrivain : ici il est léger, ailleurs il aurait été sordide et insoutenable. Une simple constatation, sans jugement de valeur.
« Il vira brusquement sur le côté et arrêta son pick-up. Je fus projeté violemment vers l’avant et me cognai la tête contre le pare-brise. Le temps que je retrouve mon équilibre, il avait dégainé son révolver et le pointait sur ma bouche. Je me plaquai contre la portière et plantai mes ongles dans la garniture du siège. Dans la lumière émise par le tableau de bord, son visage avait pris une vilaine teinte orange : - Rapidement, une petite séance de clarification. T’es une sale crapule, je te tiens. Et tu es à mes ordres. Tu joues les durs avec moi, ou tu me balades, et je saute l’étape prison, tu files direct en enfer. Je te mets une balle dans le crâne et je te planque sous un caillou dans les bois. – OK, fis-je d’une voix plaintive. – Tu me crois maintenant ? – Oui, monsieur. S’il vous plaît, dites-moi juste ce que vous voulez. »
Jake Hinkson L’Enfer de Church Street Gallmeister Neo Noir – 236 pages –
Traduit de l’américain par Sophie Aslanides
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